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Ce qu'on nomme la crise

 

Je m'interrogeais sur le sens du mot "crise", employé à tout vat dans les médias sans que la question soit guère posée : au fait, qu'entend-on par crise ?

 

La plupart des gens répondront : il y a crise quand ça va mal, et on ne peut rien faire, ça nous tombe dessus. Mais encore.

 

Il n'est pas inintéressant de savoir que le mot a une origine médicale. Crise vient du grec krinein,  qui signifie "juger, juger comme décisif". Le terme originel désigne l'étape d'une maladie au cours de laquelle un changement subit se produit, pour s'avérer fatal ou salutaire. C'est le moment critique,  in quo morbi judicium, où la maladie rend son jugement. Et avant cela, le médecin a porté un jugement critique pour discerner, au risque de l'erreur. Une crise est donc le "moment décisif" où la maladie juge le corps qu'elle affecte, et ce que le médecin décide de juger comme décisif.

 

Quelques réflexions là-dessus. L'issue de la crise, d'abord : elle est ou fatale ou salutaire. Elle peut être fatale. Elle n'est pas nécessairement salutaire.

 

La crise peut être conçue à la fois comme l'aboutissement d'un état antérieur et comme ce qui doit être dépassé. Aboutissement d'un état antérieur : le changement subit ne vient pas de rien. Il révèle les faiblesses de l'organisme. Il dévoile une vérité. Cette vérité apparaît sous la forme de l'exarcébation d'une tension latente, en vue de son dépassement.

 

La crise oeuvre comme une sorte de grand jugement/discernement. Le pire serait de souhaiter qu'elle se termine sans que rien ne change : c'est l'issue fatale.

 

La voie salutaire est du côté du dépassement. C'est le moment de "juger" de la situation : analyser, comprendre, démonter les mécanismes (par exemple les mécanismes d'emprise de la consommation), favoriser le développement de la coopération et de la contribution, juger de nouveaux comportements - en un mot penser neuf et agir ce penser.

 

Jacques Attali écrit : "Ce qu'on nomme la crise n'est que la longue et difficile réécriture qui sépare deux formes provisoires du monde".

 

Oui, c'est à une réécriture que contraint la crise. Et sans doute la nouvelle forme du monde dont la crise est porteuse, sera aussi provisoire que l'ancienne. Comme tout ce qui se rapporte à la Vie.

 

J'ajouterai - je parle comme un ancien - que je ne comprendrai peut-être pas tout de cette nouvelle forme du monde qui est à faire advenir.

 

Il en est de ce monde pressenti comme il en va avec nos enfants :

 

Ils sont les fils et les filles de l'appel de la Vie à elle-même. Ils viennent à travers vous mais non de vous. Et bien qu'ils soient avec vous, ils ne vous appartiennent pas. [Khalil Gibran]



01/06/2009
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