voilacestdit

Allez savoir pourquoi, je me suis pris à rêver que nous avions à la tête de nos institutions non pas un François, un Jacques ou un Nicolas... mais un Marc Aurèle ! C'était un rêve, bien sûr. Et je ne vais pas vous le raconter. Je ne voudrais pas que vous jouiez les Freud. Michel Onfray vous chercherait des noises. Non. Je veux simplement vous conter - brièvement -  la véridique histoire de Marc Aurèle. A vous de juger en quoi mon rêve est tout à fait étrange.


Beaucoup de gens savent que Marc Aurèle fut empereur à Rome. Mais à quelle époque précisément, dans quelles circonstances, quel fut son destin d'empereur, et de sage... on en sait généralement moins à ce sujet.

Lorsque l'empereur Hadrien mourut (Hadrien : cela vous rappelle peut-être le titre du très beau livre de Marguerite Yourcenar Mémoires d'Hadrien, c'est bien de cet empereur qu'il s'agit. Dans ces Mémoires Hadrien est supposé s'adresser à Marc Aurèle) - lorsque l'empereur Hadrien, donc, mourut - c'était en 138 de notre ère - il avait peu auparavant adopté Antonin, l'oncle par alliance du futur Marc Aurèle, pour assurer sa succession. Il avait également demandé à Antonin d'adopter lui-même Marc Aurèle, en même temps que  Lucius Verus. Fils adoptif d'Antonin, Marc Aurèle épouse en 145 la fille d'Antonin, Faustina, dont il aura 13 enfants.  A la mort d'Antonin (161), Marc Aurèle, âgé de 39 ans, devient empereur et il associe immédiatement à l'empire Lucius Verus, son frère d'adoption.

L'année de leur commune accession au trône, les Parthes envahissent les provinces orientales de l'empire. Lucius est alors envoyé en Orient, où il réussit à rétablir la situation (163-166). Les deux empereurs fêtaient à Rome le triomphe de Lucius Verus lorsqu'ils eurent à se porter sur un autre front, cette fois-ci au nord, dans la région du Danube, pour contrer les attaques des Germains. Mais au début de l'année 169, Lucius mourut. Marc Aurèle resta seul pour mener les opérations militaires (de 169 à 175).

Au moment même où il touchait au succès (175), la nouvelle parvint de la rébellion d'Avidius Cassius, qui s'était fait proclamer empereur, dans les provinces d'Orient. Marc Aurèle allait s'embarquer pour l'Orient, lorsqu'on apprit l'assassinat de Cassius. Marc Aurèle décida néanmoins de maintenir son voyage dans les provinces orientales, accompagné de Faustina. Il se rendit en Egypte, en Syrie, en Silicie, où mourut Faustina. On prêtait à Faustina pas mal de liaisons. Quoi qu'il en ait été, Marc Aurèle fut très affecté de sa perte. De retour à Rome en 177, il devra repartir dès 178 vers les frontières danubiennes, où il meurt, le 17 mars 180.

Le règne de Marc Aurèle n'a pas été un long fleuve tranquille ! L'empereur n'est pas resté confiné à Rome. Il se porte constamment sur les Marches de l'Empire, où il doit faire face à toutes sortes d'adversités - catastrophes naturelles, difficultés politiques et militaires, soucis familiaux...-  qui l'obligent à une lutte de tous les jours. L'historien antique Cassius Dion dit de Marc Aurèle :  "Il se trouva confronté pendant tout son règne à une multitude de malheurs. C'est la raison pour laquelle je l'admire plus que tout autre, car dans ces difficultés extraordinaires et hors du commun, il parvint à survivre et à sauver l'empire".

Comment parvint-il à survivre (sur-vivre) ? Après une jeunesse dorée insouciante, Marc Aurèle s'était converti, vers l'âge de 25 ans, à la philosophie stoïcienne, sous l'influence de Junius Rusticus, lui-même homme d'Etat (il devait devenir préfet de la ville de Rome entre 162 et 168), qui lui a fait connaître l'oeuvre d'Epictète. Le premier Livre des Pensées lui rend un hommage appuyé.

Comme l'avait dit Epictète, la fin de la philosophie n'est pas de s'entourer des atours d'un philosophe, mais d'avoir une raison droite. La philosophie ne consiste pas à produire des livres, mais à redresser son caractère. Tel fut la pratique de Marc Aurèle. Aussi, quand il accède à l'empire (7 mars 161), Rome se découvre un empereur qui fait profession d'être un philosophe, et qui plus est, un philosophe stoïcien. Le nouvel empereur écrit dans ses carnets :"Plutôt qu'à la danse, l'art de vivre est comparable à celui du lutteur, en ce qu'il faut se tenir prêt, sans broncher, à répondre aux directs, même s'ils sont inattendus".

Car Marc Aurèle tient -  et continuera de tenir - des carnets dans lesquels il note pour lui-même ses pensées. Ces notes (Pensées pour moi-même)n'étaient pas destinées à être publiées. Ce sont des notations personnelles qui l'aident à bien vivre. Lui, l'empereur qui aura passé l'essentiel de sa vie à diriger les armées sur les Marches, se montre, dans ses carnets, soucieux de se diriger lui-même, en tant qu'homme.

Voici quelques-unes des pensées de l'empereur-philosophe :

" Qu'est-ce  donc qui peut te faire escorte pour te protéger en cette vie ? Une seule et unique chose, la philosophie. Elle consiste à garder le dieu intérieur exempt de souillure et de dommage, supérieur aux plaisirs et aux peines, n'accomplissant rien au hasard (...) acceptant les événements et le sort comme venant de là où il est venu lui-même, et surtout attendant la mort l'âme sereine, dans la pensée qu'elle n'est rien d'autre que la dissolution des éléments dont est composé chaque être vivant. Si donc pour ces éléments eux-mêmes il n'y a rien de redoutable à se transformer continûment, pourquoi craindrait-on le changement et la dissolution totale ? Car c'est conformément à la nature. Et nul mal n'est commis conformément à la nature" (Pensées, Livre II, 17).

" Arrête cette agitation de marionnette. Circonscris le moment présent du temps " (Livre VII, 29).

"Creuse dans ton intériorité. Au-dedans de toi se tient la source du bien, qui toujours peut jaillir si tu creuses toujours" (Livre VII, 59).


Voilà. Au réveil, je me suis remémoré la vraie histoire de Marc Aurèle. Le retour à la réalité a été d'autant plus dur.