Nous nous sommes rendus dans le cratère du volcan (actif) d'Ijen, dans l'Est de Java. La marche pour atteindre le bord du cratère est éprouvante, deux heures de montée rude. Ensuite, il faut descendre dans le cratère sur des rochers glissants, agressés par les vapeurs de souffre étouffantes crachées par le volcan.
Cela dit, aucun touriste ne se plaindra : nous apercevons une interminable file de bêtes de somme chargée chacune de 80kg de souffre jaune, effectuant l'incroyable travail de fourmi consistant à escalader le volcan, descendre dans le cratère, charger quelques blocs de souffre dans des paniers de bambou, remonter au bord du cratère, puis redescendre la pente raide jusqu'à la route. Une sorte de Sisyphe à l'envers, ne puis-je m'empêcher de penser.
En approchant, nous réalisons que ces bêtes de somme, ce ne sont pas des bêtes mais des hommes. Ils sont petits et maigres, et ils marchent en tongs sur ces sentiers escarpés, avec une charge que je n'arrive pas à décoller du sol à l'arrêt avec mes chaussures de randonnée...
Et pourtant ils semblent heureux, sourient et échangent quelques mots avec nous sur le sentier.
Décidément, c'est un dilemme, et je serais curieux de savoir ce que vous en pensez.
De mon côté, je répondrai avec les mots de Camus qui concluent Le mythe de Sisyphe :
« Cet univers désormais sans maître ne lui paraît ni stérile ni fertile. Chacun des grains de cette pierre, chaque éclat minéral de cette montagne pleine de nuit, à lui seul, forme un monde. La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d'homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux. »