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Ce que la maladie me dit

 

 

Ces derniers temps, pendant une dizaine de jours autour du nouvel an, j’ai été malade, assez sévèrement. Des virus qui traînent autour du Covid et entrent dans le corps (mais ce n’était pas le Covid) et des bactéries se sont ligués contre moi et je me suis retrouvé avec une broncho-pneumopathie infectieuse et une otite, nécessitant un fort traitement antibiotique. La difficulté à respirer, une grande fatigabilité, la perte de l’appétit et celle du goût, l’absence de curiosité intellectuelle aussi (Victor Hugo : « Lire, c'est boire et manger. L'esprit qui ne lit pas maigrit comme le corps qui ne mange pas. ») — tout cela vous met dans un état où vous ne vous reconnaissez plus et où vous vous sentez comme en marge des choses de l’existence.
 
J’ai pensé dans ces moments au titre d’un essai d’Alain Ehrenberg datant des débuts des années 2000 :  La Fatigue d’être soi. 
[Dans cet ouvrage  Ehrenberg suggère que des « maladies » aussi répandues aujourd’hui que la fatigue, l’inhibition, l’insomnie, l’anxiété… seraient inhérentes à une société où la norme est fondée non plus sur l’obéissance et la discipline, mais sur la responsabilité et l’initiative individuelle : ce serait en somme la contrepartie de l'énergie que chacun doit mobiliser pour devenir soi-même, c’est-à-dire non seulement se mettre en capacité de répondre aux défis de l’existence, mais encore agir par soi-même, s’appuyer sur ses propres ressorts internes…] 
Dans mon état amoindri, incapable de toute initiative individuelle, sans allant ni répondant, n’ayant guère accès à mes ressources, j’ai donc pensé au titre de ce livre qui m’est revenu en mémoire, me disant que ce dont je souffrais dans ces jours de maladie, c’était non de la fatigue d’être soi, mais de la fatigue de n’être plus soi.
 
Mais pourquoi cela ? Quelle est la cause de cette maladie ? La réponse vient naturellement : la cause, ce sont les virus et les bactéries que la médecine a su rapidement identifier et combattre à coup d’antibiotiques. La réponse est juste et satisfaisante dans l’univers que je qualifierai de newtonien : à chaque effet une cause. La cause physique, matérielle, c’est l’agression que j’ai subie.
 
Mais n’y a-t-il pas autre chose à creuser ? La cause matérielle est identifiée, mais au fait pourquoi ai-je été réceptif à l’agression, que cela signifie-t-il ? Dans un livre déjà ancien, La maladie cherche à me guérir, le Dr Philippe Dransart, médecin grenoblois homéopathe et phytothérapeute, fait passer des messages intéressants qu’on pourrait résumer dans ces quelques phrases : Par la maladie nous nous parlons à nous-mêmes, nous prenons notre corps à témoin. On peut toujours trouver une cause physique pour expliquer ce qui se passe au plan de la maladie, mais en réalité la cause physique est presque toujours un « relais » de ce qui se passe sur d’autres plans. En somme la maladie, si on l’écoute, me parle de quelque chose qui me concerne.
 
J’ai subi (ou j’ai été réceptif à) une sévère agression touchant la respiration et l'audition (otite). La respiration a à faire avec le souffle, la vie : on naît sur une inspiration, on meurt sur une expiration, entre les deux le cycle de la vie est celui, continu, d’inspirations/expirations. L’oreille externe, elle, permet d’entendre. La question me vient : et si la maladie m’invitait à me questionner sur mon rapport à la vie ? ... effectivement mis à mal ces derniers temps avec le déferlement continu de mauvaises nouvelles concernant la guerre, le climat, l’avenir problématique des vivants sur la Terre, la confrontation à la possibilité d'un effondrement global — avec le risque de ne plus vouloir rien entendre (otite), comprendre ce qui se passe : se mettre en retrait de la vie.
 
Et si la maladie était une manière de dire : attention ! risque mortifère de décrochage. Ne pas se mettre en retrait, pas de repli sur soi — mais bien au contraire entretenir jusqu'au bout l’élan, l’inspiration, la capacité d’agir. Tôt ou tard l'échéance ultime arrivera. Objectif : "mourir vivant".
 
J'aime assez cette image que développe Dransart dans son ouvrage : Prenant appui sur nos certitudes comme notre pied s'appuie sur la partie horizontale d'une marche d'escalier, nous évoluons avec assurance jusqu'au moment où nous butons sur son montant vertical. La maladie vient comme un arrêt, sur lequel nous trébuchons sans comprendre tout d'abord le pourquoi de ce qui nous arrive. La maladie cependant n'est pas un "arrêt", elle n'est pas un obstacle bien qu'elle en ait toute l'apparence. Elle est une invite à prendre pied sur la marche plus élevée, comme pour adopter une conscience différente des choses...
 
 
 


21/01/2023
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