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De San Francisco, Arthur

 


De retour de San Francisco, où nous allions faire connaissance avec notre petit-fils Arthur, né le 18 juin, mon regard était accommodé, pour observer les signes du monde qui vient.

Mais un enfant, ce n'est pas un monde qui vient ; c'est bien plutôt le mystère d'une venue au monde. Une venue, je ne dirais pas silencieuse ! mais sans parole ["enfant", du latin infans : in privatif et fari parler] ; sans parole : pas de jugement. L'enfant "vient au monde" : un monde qui lui-même n'est pas un, n'est pas statique, mais est un monde qui vient. Le monde n'est pas le même de toute éternité, mais le processus est le même, quelle que soit l'époque : on vient au monde.

 

L'enfant est venu en sortant du ventre de sa mère ; et ensuite, tous les jours, il ne cesse de venir au monde en laissant le monde familier pénétrer en lui - par son corps, son être-au-monde, ce qu'il perçoit   : de la lumière, des ombres, des mouvements, de la parole, des sons, et avant tout cela, sans doute, des odeurs, et du toucher, qui est le premier sens à se développer, le plus fondamental, disait Aristote. Et Paul Valéry : la peau, "ce qu'il y a de plus profond chez 'homme".

La phrase de Nietzsche me revient : " 'Je suis corps' - dit l'enfant" [in Ainsi parlait Zarathoustra, Première partie] ; non pas : 'J'ai un corps' mais  'Je suis corps'. Une unité, un processus. L'être n'est pas dans le corps, le corps est l'être, qui se réalise, se transforme.

L'enfant apprend le monde à travers son corps. Il y a d'abord l'accommodation, puis l'assimilation qui se manifeste dans le besoin de répétition qui va croissant. L'enfant suce non seulement quand il a faim, mais aussi quand il est rassasié. C'est la tendance du réflexe à se reproduire : c'est l'assimilation reproductrice, qui déterminera la formation des structures intellectuelles ultérieures, et qui traduit le principe fondamental de tout développement : l'activité. On retrouve, ou plutôt c'est sans doute de cette observation du fonctionnement de l'enfant, que s'inspire le principe selon lequel le chemin s'invente en marchant.

C'est un moment de grâce de tenir dans ses mains un tout petit être dont la vie toute neuve palpite, plus forte que tous les doutes, prête à se développer en explorant les potentialités multiples du monde qui vient...





 

 

 

J'ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d'or d'étoile à étoile, et je danse.

Arthur Rimbaud, Illuminations




10/08/2012
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