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La préfète et la clé des champs

 

 

Une histoire d'aujourd'hui digne de Courteline, qui rompt avec le caractère sérieux et/ou morose de nos actualités.

L'affaire se passe à Mende, chef-lieu du département de la Lozère. Madame Françoise D. est préfète. Certes elle n'est pas du sérail préfectoral, elle est médecin de formation [ce qui signifie en langage clair qu'elle a suivi des études de médecine mais n'est pas médecin], n'empêche, elle a été propulsée, on ne sait trop par quelles voies détournées, préfète de la Lozère en 2007, où elle exerce jusqu'en 2009, avant d'être nommée préfète des Hautes-Pyrénées.

Tout va bien donc. Madame la préfète représentait même dans son parcours une belle illustration de l'ascension type Vième République. Sauf que aujourd'hui, l'ex-préfète - car entre temps elle a été révoquée de la préfectorale - a à répondre, devant le tribunal de Mende, d'un certain nombre de méfaits commis durant son séjour à la préfecture.

Madame le présidente du tribunal n'en finit pas - une heure et quarante cinq minutes durant - de lire la procédure, au point de s'y perdre dans les détails. Mais enfin la liste est longue des objets disparus de la préfecture de Mende, que les policiers ont retrouvé lors d'une perquisition en Champagne-Ardenne au domicile de l'ex-préfète : fauteuils Louis XVI, travailleuse Charles X, chaises Napoléon III, une balance avec ses poids, un pare-feu en métal doré, du linge de maison etc. Un inventaire à la Prévert.

Probablement courbaturé, le procureur se lève et fait quelques pas. "N'ayez pas peur, je reste !" lance-t-il aux avocats de la défense. Quand vient son tour d'interroger la prévenue, il descend de son perchoir pour s'asseoir sur le bureau de l'huissier. Les mêmes questions que celles de Madame la présidente reviennent, auxquelles l'ex-préfète répond avec une naïveté désarmante. Tous ces objets ? "C'était pour moi (...) je les stockais au fur et à mesure dans la chambre fuchsia [de la préfecture] avant de les emmener en Champagne-Ardenne". Sans parler du chandelier à trois branches qu'on retrouve dans le coffre de la voiture de sa fille, que les fonctionnaires mendois se souviennent avoir vu en préfecture. Ou des objets achetés aux frais de la préfecture, "des valises lourdes" que son mari véhiculera jusqu'à leur domicile.

Et que faisait l'imperméable, déclaré volé, de la directrice de cabinet de la préfète chez la fille de cette dernière ? "Ça m'interroge", répond l'ex elliptiquement.

N'empêche : "J'espère que vous entendrez ma bonne foi" lance la prévenue, qui ose arguer de la méconnaissance qu'elle avait des usages, n'étant pas du sérail. Un sérail killer plutôt.

Le mari en rajoute : "Je suis un peu surpris du procès que l'on fait à ma femme. Ma femme est une technicienne de la santé. Ce poste, elle ne l'a pas demandé. Elle s'est retrouvée préfète". Peu convaincu par ces explications maritales, le procureur évoque dans son réquisitoire "une mauvaise foi qui transpire du dossier". Il requiert deux mois avec sursis à l'encontre du mari, et douze mois avec sursis assortis de 10.000 € d'amende et cinq ans d'interdiction de droits civiques à l'encontre de l'ex-préfète  [laquelle conteste devant le Conseil d'État sa révocation en juillet 2010 de la préfectorale : "ça m'interroge" doit-elle arguer].

Le tribunal rendra son délibéré le 1er décembre.




15/10/2011
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