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Lectures de Proust

 

 

Ce sont des moments de rare bonheur que ces lectures de A la recherche du temps perdu de Proust, que nous offrent trois comédiens hors pair à la Comédie des Champs-Elysées.

 

Lectures au pluriel, car non seulement, bien sûr, ce sont des lectures d'instants choisis, quelques extraits des plus belles pages ou de quelques pages surprenantes, à redécouvrir, de la Recherche, - mais aussi parce que ces lectures se font, successivement, à trois voix, et chaque voix, chaque interprète apporte beaucoup de lui dans sa manière de lire.

 

A Robin Renucci la voix du narrateur, parfaitement accordée à la mélancolie du "Longtemps je me suis couché de bonne heure..." qui ouvre toute l'oeuvre, et lui donne cette tonalité douce, comme un air fragile qui se perd, qui se retrouve, qui accompagne tout au long l'âme inquiète du petit Marcel.

 

A Bernadette Lafont cette voix si particulière, un peu gouailleuse, grave parfois, qu'elle prête à Françoise laissant affleurer sa tendresse, ou à Madame Verdurin dont elle sait rendre avec tant d'humour son indécrottabe cocasserie.

 

A Xavier Gallais enfin des moments très moirés, ondés, changeants pour évoquer les relations de Charlus et Jupien, les rites de l'homosexualité, le salon Saint-Euverte, et ce morceau de bravoure :  Xavier Gallais fait spectacle à lui seul en  faisant revivre plus vrai que vrai les extraordinaires Cris de Paris.

 

Proust a donc quelque chose à nous dire ? Ou doit-il rester dans quelque musée Grévin témoignage d'un passé qui n'est plus, luxe inutile ?

 

Pour toute une génération de l'après-guerre - celle de Sartre et des existentialistes - s'engager a d'abord voulu dire enterrer la bourgeoisie, résister à ce que Proust représentait  : une abstraction de luxe cultivant les formes les plus recherchées de l'art de ne rien faire. Malraux et Proust, voilà les deux extrêmes.

 

S'engager utilement dans la vraie vie - loin de l'inutile abstraction  de Proust. Oui, mais voilà. Où a conduit l' "engagement" d'un Sartre pendant les années de guerre, pour ne pas parler de sa stupéfiante neutralité pendant l'Occupation ? Et qui a initié la Mao-idôlatrie dans laquelle a versé notre jeune génération, au moment même où la révolution culturelle tant admirée par Sartre commençait son oeuvre de destructions et de mort.

 

Où était la plus grande abstraction en définitive ? Dans la lecture quasi clinique que Proust  fait de sa société, - ou dans les soi-disant engagements d'un Sartre ?

 

La lecture, le décryptage, l'analyse d'une société - sous forme sociologique, etnologique ou littéraire - participent du premier acte d'une volonté de transformation. C'est comme tel un acte de résistance.

 

 

 



25/03/2009
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