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"Amour"... ou Enfer-mement

 

 

De mon épouse Chantal ces réflexions à propos du film Amour de Michael Haneke

 

 

Les critiques ont unanimement salué le dernier film de Michael Haneke "Amour" récompensé par la palme d'or cannoise. Ce film est joué par un duo d'acteurs d'exception (Emmanuelle Riva et Jean-Louis Trintignant), dans le huis-clos d'un appartement qui souligne la culture et le raffinement de ses habitants, même si le temps semble s'y être arrêté depuis longtemps déjà. Il s'agit d'un bel appartement haussmanien. Cependant, la cuisine, dépouillée d'ornements culturels et dans laquelle nous sommes introduits assez vite au début du film, lieu où  Anne a une "absence" -  premier signe de la maladie qui va la dévaster - est absolument sordide. Elle sent le vieux et les vieux et laisse présager que la suite ne va pas être une partie de plaisir… Et la senior que je suis a résisté d'emblée à entrer dans cette cuisine !


Effectivement, la suite va se révéler très éprouvante. Nous assistons à une dégradation physique et mentale implacable qui mènera à une déchéance parfois insoutenable. Ce couple aimant y fait face de manière exceptionnelle. Nous admirons la dignité de la femme et l'accompagnement inconditionnel du mari. Tout est rendu très finement dans le film, avec justesse et précision : l'ambivalence entre la sollicitude et l'agressivité de l'un, la dignité et les sursauts d'amour propre de l'autre… Le jeu des acteurs est prodigieux.


Néanmoins, j'ai résisté à m'engager jusqu'au plus profond du film. Face à la souffrance, la déchéance et l'approche de la mort, la relation du couple se resserre dans une relation fusionnelle d'où tout tiers est exclu, y compris donc le spectateur.


On comprend que les appels téléphoniques des amis restent sans réponse de la part de Georges. La sollicitude du couple de concierges dévoués est rejetée. On pourrait expliquer cette réaction en imaginant qu'ils ne sont pas sur la même longueur d'ondes que ce couple raffiné. Mais quand l'ancien élève, devenu musicien célèbre - surpris et ému par la découverte de la paralysie d'Anne - exprime une compassion sincère mais maladroite car effrayée, il est fermement renvoyé dans ses buts. Et ce qui est encore plus frappant, c'est quand il s'agit de la fille du couple (Isabelle Huppert). Celle-ci, bien que musicienne, ne vit et ne pense manifestement pas au diapason de ses parents. Préoccupée par ses propres problèmes, elle se montre maladroite avec sa mère. Son comportement relève clairement d'un mécanisme de défense quand elle dit, par exemple, qu'elle ne peut comprendre que "de nos jours il n'y ait aucune manière de traiter çà de façon plus efficace". Cependant on la sent surtout souffrante, déstabilisée, dépassée et submergée par l'émotion. Un terrain qui peut se révéler propice à l'ouverture des sentiments... Mais elle trouve porte close C'est ce qui se passe au sens propre du terme. Lorsqu'elle se présente chez ses parents,  avant de l'introduire dans l'appartement, son père ferme la porte à clé de la chambre de sa mère et retire la clé de la serrure… Face aux reproches et à la colère de sa fille, il justifie ainsi son geste : "Rien de tout cela ne mérite d'être montré".

Tout au long de cette dégringolade qui mène inexorablement au délabrement et à la déchéance, il n'y a pas de place pour la compassion.  Pas le moindre interstice dans cette relation à deux pour permettre à celle-ci de se manifester. Le couple ne donne à aucun moment sa chance à l'autre d'exprimer sa compassion  et il ne se donne pas non plus la possibilité de l'accueillir. La compassion refusée dans l'échange du donner et du recevoir. Le repli est total, le couple s'enferme dans un huis-clos infernal qui conduira au dénouement final...

En tant que spectatrice, senior de surcroît, sensibilisée à ces questions douloureuses et génératrices de peur, j'ai éprouvé cette frustration, l'impossibilité de me projeter  dans tout sentiment de compassion - compassion qui n'est pas la pitié. Cet espace qui aurait peut-être permis d'échapper à la sidération face à ce qui se montre dans le film, dégageant une souffrance pathétique, parfois terrifiante…

"Amour" ou Enfer-mement ?

 

 

 

 

 

 



29/11/2012
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