De là-haut dans l’espace, à travers son hublot...
L’astronaute Thomas Pesquet nous envoie de magnifiques photos de la terre, prises de là-haut, à travers son hublot, et tout paraît à la surface calme, serein, lisse. Et pourtant, à notre niveau, ici-bas, le monde bruit de toutes sortes de désordres. Désordres de violences qui traversent les sociétés, conflits, guerres. Désordres de la surexploitation qui épuise les ressources de la terre. Désordres de la surconsommation qui menace l’environnement etc. Désordres devant lesquels on se sent individuellement impuissants, sauf à agir à son niveau quand cela a sens, par exemple en questionnant et réorientant sa propre consommation, ses modes de déplacement, ses habitudes de vie etc.. Le pire serait de se résigner à l’état des choses, se faire à l’idée que les désordres sont inéluctables, en somme en prendre son parti.
Or l’ordre est un besoin vital. La philosophe Simone Weil dit même, dans L’Enracinement [un chef-d’oeuvre de pensée politique, écrit en 1943 à Londres, à la demande du Général de Gaulle, sur le thème : Comment redonner une inspiration, un élan, à un peuple abattu ?], que l’ordre est « le premier besoin de l’âme » auquel une collectivité doit satisfaire. Certes la philosophe note que, dans les faits, il y a beaucoup plus de probabilité de désordres (c’est-à-dire, dans son vocabulaire, d’incompatibilités entre obligations ou devoirs), que de compatibilités. Cependant nous ne sommes pas totalement démunis pour nourrir le besoin d’ordre si nécessaire à l’action. Simone Weil invite à considérer l’exemple de l’univers, et celui des oeuvres d’art authentiques :
« Aujourd’hui, il y a un degré très élevé de désordre […] Mais nous avons tous les jours sous les yeux l’exemple de l’univers, où une infinité d’actions mécaniques indépendantes concourent pour constituer un ordre qui, à travers les variations, reste fixe. Aussi aimons-nous la beauté du monde, parce que nous sentons derrière elle la présence de quelque chose d’analogue à la sagesse que nous voudrions posséder pour assouvir notre désir du bien.
À un degré moindre, les oeuvres d’art vraiment belles offrent l’exemple d’ensembles où des facteurs indépendants concourent, d’une manière impossible à comprendre, pour constituer une beauté unique. »
Ainsi la contemplation de la beauté dans les oeuvres d’art authentiques, plus encore celle de la beauté de l’univers « peut nous soutenir, écrit Simone Weil, dans l’effort de penser continuellement à l’ordre humain qui doit être notre premier objet. » Mais la beauté demeure une énigme, et difficile le chemin pour y atteindre.
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