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Journées du patrimoine. Flânerie dans mon quartier

 

 

À l’occasion des journées du patrimoine, j’ai flâné dans mon quartier, à Paris dans le 6ᵉ, en passant par des lieux évoquant le siècle des Lumières et la Révolution. Et certes ils sont nombreux ces lieux, sur un si petit territoire, dans un rayon d'à peine 500 mètres, qu’arpentèrent nombre de figures illustres dont la mémoire reste vive dans nos esprits et constituent une part de notre patrimoine culturel.
 
 
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J’ai commencé par la rue Jacob, à deux pas de chez moi. Au 44 se trouve l’Hôtel d’Angleterre. C’est là que Benjamin Franklin rédigea en 1783 le Traité d’indépendance des États-Unis d’Amérique avec John Jay, John Adams et David Harley, avant de le signer 3 septembre 1783 à l’Hôtel d’York, au 56 de la même rue, où il résidait (on dit qu’il ne voulait pas signer à l’Hôtel d’Angleterre, alors ambassade anglaise, en terre anglaise). L’indépendance des États-Unis d’Amérique avait été proclamée le 4 juillet 1776 (d’où le jour de la Fête nationale : le 4 juillet) mais pas reconnue par l’Angleterre. La guerre d’indépendance des treize anciennes colonies anglaises dura jusqu’à la signature de ce traité.
 
 
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Le Café Procope
 
À l’emplacement actuel du 149 boulevard Saint-Germain (ex 1 rue de Taranne) résidait Diderot, maître d’oeuvre de l’Encyclopédie, qui avait fait ses études au lycée Saint-Louis. Diderot retrouvait ses comparses, Voltaire, Rousseau, d’Alembert... au Café Procope, 13 rue de l’Ancienne-Comédie, qui constitua le véritable épicentre des Encyclopédistes. Voltaire y composa le fameux poème contre son ennemi Fréron : « L’autre jour au fond d’un vallon / Un serpent mordit Fréron / Que pensez-vous qu’il arriva ? / Ce fut le serpent qui creva ! ». Le Café Procope, fondé en 1686, réputé le plus ancien café au monde, vit plus tard se réunir dans ses salons pendant la Révolution : Danton, Camille Desmoulins, Marat, Fabre d’Églantine… Les mots d'ordre de l'attaque des Tuileries des 20 juin et 10 août 1792 partirent du Procope.
 
Derrière le Procope, avait été ouvert vers 1735 un passage, resté presque intact, seulement tronqué en son extrémité par le percement du boulevard Saint-Germain, la cour du Commerce Saint-André. Au nº 8 se trouve une longue demeure basse aux nombreuses lucarnes qui abrita l’imprimerie de Marat. Le journal de Marat, L’Ami du Peuple, était réalisé ici. La guillotine a été expérimentée sur des moutons dans la cour du nº 9.
 
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Danton
portrait par Jacques-Louis David
  
Danton — un colosse débordant de vie qu’un témoin oculaire décrit ainsi : « Je fus frappé de sa haute stature, de ses formes athlétiques, de l’irrégularité de ses traits labourés de petite vérole, de sa parole âpre, brusque, retentissante, de son geste dramatique, de la mobilité de sa physionomie, de son regard assuré et pénétrant, de l’énergie et de l’audace dont son attitude et tous ses mouvements étaient empreints… » — habitait une maison au nº 20, partie disparue du passage de la cour du Commerce Saint-André, à l’emplacement actuel de sa statue Carrefour de l’Odéon, qui porte sur son socle deux de ses maximes les plus fameuses : « Pour vaincre les ennemis de la patrie, il nous faut de l’audace, encore de l’audace et toujours de l’audace » et « Avec le pain, l'éducation est le premier besoin du peuple ».
 
Au 30 de la rue des Cordeliers (aujourd’hui angle de la rue de l’École-de-Médecine et du bd Saint-Germain) s’élevait la maison de Marat, où il fut poignardé dans son bain par Charlotte de Corday.
 
 
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Ancien couvent des Cordeliers
Le réfectoire
où se réunissait le club des Cordeliers
 
Au 15 rue de l’École-de-Médecine (ancienne rue des Cordeliers), dans les locaux désaffectés du couvent des Cordeliers (Franciscains), se réunissait le club des Cordeliers créé par Camille Desmoulins, Danton, Hébert, Marat, le boucher Legendre... Ce club, de son vrai nom Société des Amis des droits de l’homme et du citoyen, avait une grande influence populaire et la particularité d’admettre les femmes et les citoyens « passifs » (tous ceux à qui, en raison de leur sexe ou d’une contribution fiscale trop faible, la Constitution refusait le droit de vote). Le club fut à l’origine des grandes journées révolutionnaires et prôna le premier l’instauration d’une République. Passé sous le contrôle des hébertistes à la fin de 1792, il disparaît lorsque ces derniers sont guillotinés, en mars 1794.
 
Au 22 de la rue de Condé habitait Camille Desmoulins, surnommé « l’homme du 14 juillet », car il s’était fait connaître en montant sur une table dans les jardins du Palais Royal pour encourager la foule à s’emparer de la Bastille. Ami de Danton et de Robespierre, il veut, avec ceux qui le soutiennent, les Indulgents, arrêter la Terreur.  Il écrit dans son journal (Vieux Cordelier, no 4) : «... Vous voulez exterminer tous vos ennemis par la guillotine ! Mais y eut-il jamais plus grande folie !… Croyez-moi, la liberté serait consolidée et l’Europe vaincue si vous aviez un Comité de clémence ! » Cela lui coûtera la vie. Il est guillotiné, le même jour que Danton, le 5 avril 1794, sur ordre de son « ami » Robespierre.
 
Au nº 5 de la rue de Tournon résidait le redouté Hébert, le fondateur du Père Duchesne, feuille connue pour l'outrance de son vocabulaire comme pour la violence de ses opinions. Ultra-révolutionnaire, Hébert n’échappera pas avec ses amis à la guillotine, le 24 mars 1794, quelques jours avant les Indulgents. (Robespierre se sera ainsi débarrassé et de sa droite et de sa gauche).
 
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Je termine ma flânerie rue Servandoni (ancienne rue des Fossoyeurs). C’est ici au nº15, que Condorcet, le « dernier des Encyclopédistes », décrété d’arrestation, se cacha chez Mme Vernet, de juillet 1793 à mars 1794, et rédigea le manifeste tardif des Lumières, l'Esquisse d’un tableau historique des progrès de l’esprit humainLe 25 mars 1794 Condorcet quitte secrètement son refuge ; le 27, il est reconnu et arrêté ; le 28 on le trouve mort dans la prison de Bourg-l’Égalité.
 
 
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En face, au nº 18, vécut Olympe de Gouges, féministe avant l’heure, auteure de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne (1791). À la suite de Condorcet, qui avait rédigé l’année précédente le traité Sur l’admission des femmes au droit de cité, elle considère que la femme détient des droits naturels au même titre que l’homme et doit pouvoir participer en tant que citoyenne à la vie politique et au suffrage universel. Elle milita aussi pour la cause des Noirs. En 1793, elle protesta contre la Terreur, et s’en prit à Robespierre. Elle sera, elle aussi, guillotinée, le 3 novembre 1793.
 
Ainsi s’achève mon périple, sur l’évocation de ces deux dernières figures qui auront, plus que d’autres, cru aux progrès de l’esprit humain et en la liberté, dans un moment de l’histoire où l’expérience démentait cruellement et ces progrès et la liberté. Mais ils tinrent bon dans leur foi en leurs principes.
 


19/09/2021
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