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La destinée fulgurante du mathématicien Évariste Galois

 

On a comparé la brève et intense vie du mathématicien Évariste Galois à celle de Rimbaud : même impétuosité, mêmes fulgurances, deux authentiques génies, deux vies brûlées, deux destins brutalement interrompus, mais l'un, Rimbaud, par sa décision d'arrêter sa carrière poétique, l'autre, Galois, par la fatalité d'une mort en duel. Mais s'agit-il d'une fatalité ? (C'est un point que j'aimerais creuser sans en avoir pour le moment les moyens). Cette vie si courte qu'on a pu résumer ainsi : " À quinze ans, Évariste Galois découvre les mathématiques ; à dix-huit, il les révolutionne ; à vingt, il meurt en duel", intrigue. Dans ce billet je présente quelques éléments de sa biographie.

 

 

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Évariste Galois naît le 25 octobre 1811 à Bourg-la-Reine, alors dit Bourg-Égalité, dans une famille de notables. Son père, qui se pique de poésie, dirige une institution de jeunes gens et deviendra maire, libéral, de Bourg-la-Reine. Sa mère, issue d’une famille de juristes et de magistrats, assure son éducation, nourrie de culture latine, jusqu’à l’âge de 12 ans, où il entre, en 1823, au pensionnat du Lycée Louis-le-Grand. Évariste a quelques problèmes avec la discipline du lycée, on le dit un peu rebelle. Les deux premières années de 4ème et 3ème se déroulent bien du point de vue scolaire, il décroche même un premier prix de grec, mais brusquement, en seconde, les résultats flanchent, il doit changer de voie. Il s’oriente alors vers les mathématiques. C’est le coup de foudre : il se passionne d’entrée pour cette discipline, au point de délaisser les autres matières. Les bulletins scolaires de ces années d’études au lycée parlent d’eux-mêmes  : « travaille peu », « cause souvent », « conduite fort mauvaise », « caractère peu ouvert, il vire à l’originalité », « fort distrait », « il n’y a trace dans ses devoirs que de bizarreries et de négligences ». Mais pour ce qui est des mathématiques, c’est autre chose ! Le professeur de mathématiques repère d’entrée le côté stratosphérique de son élève : « Cet élève a une supériorité marquée sur tous ses condisciples. Il ne travaille qu’aux parties supérieures des mathématiques ».
À partir de là sa vie, semblable à une météorite, se résume dans des flashs.
 
A quinze ans il découvre les mathématiques
 
Il se jette dans les mathématiques comme s’il découvrait un royaume qui est naturellement sien. Il lit avec frénésie les traités de mathématiciens classiques, Legendre (Éléments de géométrie), Lagrange (Textes sur la résolution des équations). Bientôt il lira Euler, considéré comme l’un des plus grands mathématiciens de tous les temps, Gauss, particulièrement sa théorie des nombres, et les travaux des mathématiciens de la nouvelle génération : Cauchy, Fourier, Poisson, qui font de nouvelles mathématiques, pour la plupart à l’École polytechnique. il comprend tout, assimile tout. il obtient le premier prix au Concours général de mathématiques. Il va vite, côtoie les sommets. Trop vite parfois : candidat libre à Polytechnique, dès l’âge de seize ans, il échoue. 
À la rentrée suivante, en octobre 1828, il entre directement en spéciales. Une épreuve l’attend : Le 2 juillet 1829 son père, victime d’une cabale politique, se suicide. Quelques jours plus tard, il échoue à nouveau au concours d’entrée à Polytechnique,  à la stupéfaction de son professeur de mathématiques qui a détecté en lui un génie. Cette fois-ci, il vole trop haut. La légende raconte qu’il aurait jeté le chiffon de craie à la tête de l’examinateur parce qu’il jugeait la question inepte. Même si la légende n’est pas assurée quant à la réalité des faits, elle dit vrai sur le caractère d’Évariste : direct, impulsif, il va droit au but, ne s’embarrasse pas de devoir démontrer un résultat intermédiaire.
Faute de Polytechnique, qu’il aurait aimé rejoindre parce que Cauchy y enseignait, et à cause de l’ambiance libérale qui y régnait, il intègre l’École préparatoire (qui deviendra Normale Sup), où il continue de s’adonner à sa passion mathématique. Il n’a pas dix-huit ans quand paraît son premier article  « Démonstration d’un théorème sur les fractions continues périodiques » dans les Annales de Gergonne, le plus grand journal consacré aux mathématiques.
 
À dix-huit ans il révolutionne les mathématiques
 
À l’École préparatoire Évariste s’initie à la recherche et rapidement fait quasiment jeu égal avec les plus grands, Poisson, Lacroix, Cauchy. Il se rapproche de Cauchy et en juin 1829 il lui confie des notes sur la théorie des équations. Ces notes sont perdues... Mais Cauchy l’encourage à concourir pour le grand prix de mathématiques de l’Académie des sciences. Évariste adresse à l’Académie en février 1830 un Mémoire sur les conditions de résolubilité des équations par radicaux. Les résultats sont proclamés en juin : le grand prix est décerné à Jacobi et Abel (mort l’année précédente). Aucune nouvelle de sa communication. Évariste s’en étonne. Il apprend que son mémoire a été confié à Fourier, secrétaire perpétuel de l’Académie, chargé du rapport. Mais Fourier vient de mourir, le mémoire n’a pas été retrouvé dans ses papiers, il est considéré comme perdu. C’est comme une fatalité... Un an plus tard, sur le conseil de Poisson, il envoie à l’Académie un second Mémoire sur les applications de la théorie des équations. Jugé incompréhensible, le texte est refusé : « Nous avons fait tous nos efforts pour comprendre la démonstration de M. Galois. Ses raisonnements ne sont ni assez clairs, ni assez développés pour que nous ayons pu juger de leur exactitude… »  Ce mémoire, qu’il continuera jusqu’à sa mort de refondre, contenait des intuitions qui, lorsqu’elles seront comprises, révolutionneront l’algèbre…. Mais ces travaux sortaient du cadre académique, et Évariste, toujours rapide, intuitif, ne s’embarrassait pas du détail, allant droit à l’essentiel. Il note parfois : « On trouvera la démonstration »... Gilles Deleuze a dit que la pensée d’Évariste « procédait par bonds, à la manière d’un chien qui cherche, plutôt que d’un homme raisonnable qui expose ». Évariste ne changera pas de méthode mais restera marqué par l’absence de reconnaissance des institutions académiques, qu'il ne portera pas dans son coeur.
 
À vingt ans il meurt en duel
 
28, 29, 30 juillet 1830 : les Trois Glorieuses. Charles X est chassé, Louis-Philippe récupère la Révolution. Paris est en ébullition. Évariste, consigné dans son École, ne participe pas aux évènements, à la différence des Polytechniciens, qui sont dans la rue. Mais, ardent défenseur des droits du peuple, il s’engage dans une organisation révolutionnaire : la Société des amis du peuple. Il est alors de toutes les émeutes qui agitèrent Paris début 1831. À l’École préparatoire, il entre en conflit avec le directeur, réputé proche du pouvoir, et critique l’enseignement scientifique, reprochant au système d'enseigner aux élèves à reproduire un savoir plutôt que de les former à réfléchir. Fait exceptionnel : il est exclu de l’École. Il s’adonne alors à l’action politique, qu’il mène, c’est dans son caractère, avec frénésie, tout en poursuivant ardemment ses recherches en mathématiques. En mai 1831, lors d’un banquet où l'on porte un toast « à Louis-Philippe », Évariste lève non pas son verre mais un poignard. L’affaire ne passe pas inaperçue. Il est incarcéré, puis acquitté. Libre, il ne le reste pas longtemps. Arrêté le 14 juillet 1831 pour port illégal du costume de Garde national, il est condamné en octobre à six mois de prison. Il est incarcéré à la terrible prison Sainte-Pélagie, au milieu de malfrats, mais il y rencontrera Raspail, à qui il confie : « Je suis trop impatient d’arriver au but. Je n’ai pas le temps. Je n’ai pas le temps. » Le soir, la nuit, il se livre aux mathématiques, continue d’innover : Il travaille sur un nouveau projet de mémoire sur les intégrales et les fonctions elliptiques. Libéré, il est transféré, en mars 1832, dans une pension. C’est là qu’il s'éprend d’une dénommée Stéphanie, qui rompt le 14 mai. S’ensuit un duel stupide dont les circonstances restent obscures. Le duel a lieu le 30 mai. Évariste est touché à l’abdomen. Il meurt le lendemain, le 31 mai 1832.
La veille du duel, dans la nuit, il écrit une lettre, adressée à son ami Auguste Chevalier, dans laquelle il résume fébrilement ses dernières recherches sur la théorie des équations et les fonctions intégrales, griffonnant d'ultimes notations et répétant « Je n’ai pas le temps »… Cette lettre de sept pages, considérée comme son testament mathématique, se termine sur ces mots : « Tu prieras publiquement Jacobi ou Gauss de donner leur avis, non sur la vérité, mais sur l'importance des théorèmes. Après cela il se trouvera, j'espère, des gens qui trouveront leur profit à déchiffrer ce gâchis. Je t'embrasse avec effusion.  E. Galois  Le 29 mai 1832 » 
 
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Dernier feuillet du testament scientifique
 
 
La postérité a rendu justice à Galois dont les intuitions, reprises de nos jours par les mathématiciens, ont fondé une nouvelle façon de faire de l'algèbre, et sont à la base de nouveaux concepts, comme la théorie des groupes, dont il fut le précurseur.


18/07/2021
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