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Carnets du Japon (III) : Sur les chemins millénaires du Kumano Kodo 熊野古道



 

 

 

 

 

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Depuis plus de mille ans des Japonais de toutes conditions, moines, gens du peuple, samouraïs, les premiers empereurs, ont pérégriné sur les sentiers du massif montagneux que forme la péninsule de Kii au sud de Kotyō. Ces sentiers, qu’arpentent toujours de nombreux pèlerins japonais, sont aujourd’hui connus sous le nom de Kumano Kodō, l’ancienne route de Kumano. Ils relient trois grands sanctuaires bouddhiques, Hongū Taisha, Hayatama et Nachi Taisha, qui forment collectivement un site sacré universel.
 
 
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Le Kumano Kodō, par certains côtés, fait penser, dans un autre contexte bien sûr, aux chemins de Saint-Jacques de Compostelle. J’ai d’ailleurs effectivement vu à Hongū Taisha un panneau en anglais qui faisait explicitement référence aux pilgrimage routes Santiago de Compostela.
 
 
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Mais ce chemin-ci est différent. Les sentiers, qui ont conservé leur tracé antique, traversent tout du long des montagnes de la région de Wakayama d’immenses étendues où règne un silence étonnant, couvertes de forêts de pins et de cèdres qui se dressent droit vers le ciel, à travers lesquels la lumière se diffuse, formant parfois des halos mystérieux.
 
 
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Ces étendues sauvages, depuis les temps les plus anciens, les Japonais les croyaient habitées par les kami, les divinités shintoïstes. Ce sentiment de présence marque encore les lieux. Lorsque vous cheminez, il n’est pas rare de voir, un peu à l’écart, des sortes de mémoriaux. On voit également parfois, sur les bas-côtés du chemin, de curieuses petites statues à l’expression énigmatique portant un bavoir rouge, protégées d’une enveloppe de paille : elles représentent le bodhisattva Jiso Bosatsu, une divinité vénérée des shintoïstes. Ces divinités shintoïstes sont également vénérées des bouddhistes : de fait, après l’arrivée du bouddhisme au Japon, au VIᵉ siècle, un syncrétisme s’opéra et les kami entrèrent dans l’univers bouddhique. Ce chemin de pèlerinage bouddhique intègre ainsi sans difficulté des éléments shintoïstes.
 
 
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 Sanctuaire de Hongū Taisha
 
Dans les temples bouddhiques, le rituel intègre fréquemment des éléments shintoïstes. J’ai parlé par exemple (cf le premier Carnet ) du rituel du sanctuaire de Hongū Taisha : le fidèle tire une corde qui actionne un gong et frappe deux fois dans ses mains pour attirer l’attention des kami avant d’adresser sa prière au Bouddha.
 
J’ai été sensible également, à Kōya-san, au fait que le fondateur du site bouddhique en 816, le célèbre moine Kūkai (Mer de vacuité), également connu sous le nom posthume de Kōbō Daischi, ait fait édifier parmi l’ensemble de pavillons et de pagodes de son monastère, un sanctuaire dédié à la divinité shintoïste qui occupait préalablement les lieux, pour s’assurer de sa protection. On est loin des exclusions qu’engendrent quasi nécessairement les monothéismes...
 
 
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La marche sur les sentiers montagneux du pèlerinage est assez rude, avec parfois des dénivelés conséquents, mais le chemin, extrêmement bien balisé, est toujours parfaitement tracé.
 
 
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Elevation chart Takijiri-oji~Tsugizakura-oji
 
 
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Le premier jour, nous avons cheminé seuls, du matin au soir, sans rencontrer d'autres pérégrins, traversant de très grandes étendues closes de forêts, sauf au milieu de l’étape où le chemin, descendant dans un val, nous a ouverts des perspectives, et après nous avoir fait franchir la rivière Kiki-gawa (quasiment à sec), nous a conduits dans un village montagneux isolé, où nous avons même pu prendre un café dans le bistro local ! avant de remonter de l’autre côté du val et reprendre le chemin dans la montagne jusqu'à l'étape du soir.
 
 
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 Notre feuille de route établie par Alexandre
pour trouver le ryokan
 
 
Le soir il a fallu s’écarter du chemin d’environ 2 kms pour rejoindre en contre-bas à Nonaka notre ryokan  Minshuku Nonaka Sanso, qu'on a trouvé non sans mal... tous les panneaux étant rédigés exclusivement en caractères japonais, y compris l'enseigne du ryokan sans transcription aucune. Nos hôtes charmants, serviables ne parlaient pas un mot d'anglais, mais avec force sourires et gestes nous ont prodigués les directives pour consommer selon le bon usage le repas japonais qu'ils nous avaient préparé, que nous avons pris en kimonos...
 
 
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Elevation chart Tsugizakura-oji~Kumano Hongū Taisha
 
 
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 Vu de quelques kilomètres, on aperçoit dans la plaine
le grand torii  du sanctuaire de Hongū Taisha
 
Sur le chemin du second jour, des trouées offrent parfois des perspectives sur le paysage montagneux. De l'une d'entre elles, à quelques kilomètres de Hongū, on peut apercevoir dans la plaine le plus grand torii  du Japon (39,9 m de haut) qui signale de loin pour les pèlerins le Kumano Hongū Taisha, le grand sanctuaire de Hongū.
 
 
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Dans les forêts les longs futs des pins impressionnent toujours, qui montent parfaitement droits à l'unisson vers le ciel comme les colonnes d’une étrange basilique se reproduisant par d’infinies combinaisons dans le fond d’un kaléidoscope. Ce qui impressionne également, c'est le silence qui enveloppe forêts et montagne : pas un cri d'oiseau, pas un bruit d'animal, seuls demeurent peut-être les kami  comme le veut la tradition... ces kami  que la majorité des Japonais (plus ou moins shintoïstes sur ce point-là) considèrent animant le monde naturel qui nous entoure et dont nous faisons partie.
 
 
Comme sur les chemins de Saint-Jacques, mettant nos pas dans ceux des pèlerins qui ont foulé les mêmes terres depuis des siècles, nous partageons le sentiment de participer d'un même élan — ainsi, sur ces chemins millénaires du Kumano Kodō, adaptant nos pas, avons-nous partagé le sentiment de présence et de communion des éléments et des êtres si prégnant dans la spiritualité japonaise, et ce sentiment diffus d'être l'infime partie d'un ensemble qui nous protège de son unité et son harmonie... 
 
À suivre
 


25/04/2017
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