"Ce pape commence à poser un vrai problème"
[source : Le Monde.fr]
Je ne pensais pas revenir de si tôt sur le sujet de Benoît XVI. Mais comment l'éviter quand, à nouveau, les propos du pape, cette fois-ci sur le préservatif, viennent à ce point à l'encontre de la compréhension de la réelle situation dans laquelle se trouvent des millions d'hommes et de femmes, qu'une nouvelle fois ils suscitent le tollé général.
Le prédécesseur de Benoît XVI, Jean-Paul II, n'était jamais allé jusqu'à prétendre, non seulement que le préservatif n'est pas la solution dans la lutte contre le sida, mais que, "au contraire, [son] utilisation aggrave le problème" !
Le mouvement collectif d'indignation - ne venant pas seulement de l'extérieur de l'Eglise catholique - a été immédiat et très vif. Les propos du pape sont jugés "irresponsables", "inacceptables", "gravissimes", "criminels", - certains ajoutant, comme Alain Juppé, qui se réaffirme catholique et attaché aux valeurs chrétiennes : "ce pape commence à poser un vrai problème".
Le problème que pose le pape n'est pas un problème de communication. Les journaux parlent de "dérapages", mais ce ne sont pas des dérapages. Benoît XVI tient fort bien la route au contraire, sa route. C'est cette route, qui ne conduit à plus rien de sensé, qui fait problème.
Le problème est double. Il est d'abord que l'homme Ratzinger, très intelligent, très raffiné, professeur émérite de théologie dogmatique, ignore beaucoup de la compagnie des hommes. Comment pourrait-il, autrement, sans plus, contester l'utilité du préservatif dans la lutte contre le sida ? Sans souci de l'effet de ces déclarations sur les personnes exposées.
Le problème ensuite est de savoir de quelle autorité le pape peut asséner de telles prises de position ? Le préservatif, qu'on sache, n'est pas objet de foi. Benoît XVI sort de son rôle, en donnant des considérations techniques, scientifiques. Et en faisant injure à tous ceux qui luttent pour endiguer la pandémie.
Il serait nécessaire que Benoît XVI prenne conscience des ravages que provoquent ses déclarations. Hélas ! il est si bien protégé par le petit cercle des cardinaux et autres fonctionnaires du Vatican, qu'aucun écho ne lui en parviendra ["Il ne faut pas lui gâcher son voyage"].
Il continuera donc de "gaffer" diront certains. D'agir comme le Préfet de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi [dont l'ancêtre était la Congrégation de l'Inquisition] qu'il a été, de 1981 jusqu'à son élection en 2005.
Et de contribuer à faire de l'Eglise-institution un groupe intransigeant, refermé sur lui-même, coupé des réalités, comme on peut reprocher à des groupes sectaires, comme certains islamistes. Ce qui serait d'un grand danger pour l'équilibre et la paix du monde.
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