Comment je vis Noël
De mon épouse Chantal ces réflexions sur le temps de Noël :
L'approche de Noël me plonge dans une humeur ambivalente : suis-je contente ou mécontente ?
Pour ce qui est de la face négative : de plus en plus tôt - cette année dès le mois d'octobre - s'expose une orgie de consommation : nourriture, cadeaux, jouets toujours plus sophistiqués, une invitation massive à acheter. Noël est devenu le symbole de la consommation outrancière et sans limites. Ma première réaction est le recul, le refus. Se surajoute à ce malaise, le malaise social actuel. Beaucoup - et de plus en plus nombreux - assistent en spectateurs laissés sur le bord du chemin à cet étalage marchand qui ne fait que contribuer à attiser leurs frustrations. Il y a quelque chose d'indécent dans cette exhibition débridée et cet écart me choque profondément.
Ce qui me met aussi mal à l'aise, ce sont les sondages, qui évaluent en chiffres les difficultés que les gens auront à entrer dans la fête, plus vulgairement à "se la payer". Ainsi, on mesure chaque année ce que dépensent les Français à cette occasion : on compare d'une année sur l'autre et pour rajouter au pessimisme ambiant, on fait remarquer que cette année la part consacrée aux dépenses - nourriture et cadeaux - sera moins importante que celle de l'année précédente et qu'il faudra procéder à des arbitrages dans les dépenses. La fête est ainsi ramenée à une question d'indicateurs économiques, exactement comme une émission de télé est réduite à l'audimat. Le cadre de référence est l'argent, l'argent et toujours l'argent…La fête est réduite à une marchandise. Tout cela est profondément navrant et contribue au malaise qu'entretient la perspective de Noël.
Mais Noël représente aussi autre chose pour moi qui m'invite d'ailleurs à l'habiter autrement pour résister à cette pression ambiante.
Dans le calendrier liturgique, Noël fête la Nativité de Jésus, fête qui s'inscrit dans les traces d'une très ancienne fête païenne célébrant le solstice d'hiver : la victoire du soleil sur la nuit et les ténèbres. Chaque année, je revis intensément ce moment, après des jours qui n'en finissent pas de raccourcir et j'accompagne ce mouvement qui nous fait basculer vers les jours plus longs qui nous font peu à peu espérer le printemps.
Mais surtout, je me retourne résolument vers le Noël de mon enfance.
Par mon éducation - comme beaucoup d'entre nous - j'ai hérité à la fois de la tradition chrétienne de la crèche et de la tradition païenne du père Noël et du sapin, Celles-ci sont très intriquées dans mes souvenirs et elles nourrissent, en se confondant, mon imaginaire. Noël, la fête de la famille centrée sur les enfants. La naissance de l'enfant Jésus, pauvre parmi les pauvres, venu au monde dans le plus grand dénuement. L'innocence et la simplicité du message véhiculé par l'image des crèches naïves de mon enfance : dans l'intimité de l'étable, le boeuf et l'âne - censés réchauffer de leur souffle l'enfant - aux côtés de Marie et Joseph. A l'opposé de ce que nous propose le Noël marchand. Le bonheur et le merveilleux de Noël ne sont pas dans la surabondance de l'avoir mais dans la simplicité et le dépouillement de l'être, de l'être ensemble. Et on peut se demander si cette frénésie de consommation n'est pas une tentative cherchant désespérément à combler et masquer ce manque et ce mal à être qui caractérisent notre société.
La magie de Noël, c'est aussi l'hiver, le froid, mais la chaleur du feu, des tablées conviviales… C'est le père Noël et les cadeaux. Le père Noël cristallise la magie du rêve et la puissance de l'imaginaire. Il y a eu pour moi, dans mon enfance, l'avant et l'après "croire au Père Noël" et ce moment de passage reste décisif dans ma mémoire. Il marque un moment de déception parce qu'il démystifie la toute puissance du rêve. Moment de désillusion aussi qui nous éloigne des rives de l'enfance, mais pour autant ne détruit pas le rêve et l'imaginaire, tout en les re-configurant autrement. Il reste pour moi un fond de nostalgie d'une époque d'innocence, de simplicité, d'un monde idéal ou plutôt idéalisé, mais dont on a besoin pour vivre.
Aujourd'hui, au moment de Noël le contact avec les enfants m'est précieux car il participe aussi à me relier à l'enfant en moi et m'aide à réactiver ces moments forts d'attente fébrile, de surprise, d'étonnement, d'émerveillement, de déception aussi...
Noël représente donc une intensité rituelle qui m'imprègne et continue à m'imprégner.
Noël est un fort symbole de mon enfance et m'amène, dans ce mouvement, à me replonger dans mon passé.
Mais se retourner résolument vers l'enfance n'est pas anodin. Il ne s'agit pas d'enfantillage. Revenir à l'enfance, c'est se relier à une source vive, qui doit rester vivante et présente, sous peine de se dessécher et de se racornir. L'enfant en nous n'est pas que du passé; il continue à exister en nous quels que soit les moments de notre vie et c'est une grande force que de pouvoir y accéder pour s'y ressourcer.
Découvrir, redécouvrir, inventer l'enfant qui est en nous avec ses rêves, sa fraîcheur, sa confiance, son innocence, sa simplicité. Le faire revivre, renaître, le revisiter à la lueur de notre vie présente.
C'est à ces sources que je veux revenir. Parcourir le chemin inverse que tente de nous imposer le Noël marchand. Retrouver du sens à travers ces symboles et ces rituels. Au-delà du fait de remonter à son enfance et de revivre ses souvenirs, rechercher, retrouver l'enfant en soi, dans la magie de Noël, remonter à sa source qui est la source de Vie. C''est s'exposer à une aventure, c'est s'exposer, à coup sûr, à de l'inattendu.
C'est cela le mystère de Noël.
En nous est la source.
Mais pourquoi avons-nous tant de mal à la rejoindre ?
Charles Juliet
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