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Du Cambodge (II) : Les enfants de la décharge


Elle s'appelle Moline. C'est une jeune femme cambodgienne, avenante, avec laquelle nous avons sympathisé, que nous avons rencontrée dans la boutique de commerce équitable qu'elle tient à Phnom Penh. C'est elle qui nous a fait connaître  l'association Pour un Sourire d'Enfant [PSE] qui prend en charge des enfants issus de Stung Mean Chey, la grande décharge de Phnom Penh.

Moline nous a dit : Venez les voir. C'est ainsi que nous avons traversé avec elle en tuk-tuk une partie de Phnom Penh pour rejoindre une banlieue très pauvre. A un moment nous avons quitté la route principale pour nous engager dans des ruelles défoncées, et brusquement, à un détour de chemin, nous nous sommes trouvé face à une grande enceinte renfermant plusieurs bâtiments, des cours, des préaux, avec des centaines d'enfants, impeccablement habillés d'un chemisier blanc et d'une jupe bleue pour les filles, d'une chemise blanche et d'un pantalon bleu pour les garçons, s'égayant en tout sens dans un joyeux brouhaha. Nous avons du mal à réaliser que tous ces enfants viennent de la décharge, toute proche.






Nous apprenons l'étonnante histoire de PSE. Tout démarre en 1995. Christian et Marie-France des Pallières, un couple à l'âge de la pré-retraite, découvrent la détresse des enfants qui travaillent, vivent, se nourrissent sur la décharge de Phnom Penh. Ils décident immédiatement d'agir. "Il n'était plus question de rentrer chez soi et de dormir tranquille". Leur première action : distribuer un repas quotidien, le matin, sur la décharge, à une trentaine d'enfants. Mais ils sont des centaines, affamés, dont certains n'ont jamais quitté leur village de cabanes, au pied du tas d'ordures. Leur demande unanime : "Manger et étudier".

Mobilisant leur famille, leurs amis, leurs réseaux, d'anciens collègues [lui a été cadre dirigeant international chez IBM], les des Pallières réussissent à élargir leur action : distribuer plus de repas sur la décharge, et ils commencent à prendre des enfants chez eux, ouvrir une classe. Mais tout va très vite. Ils étaient une dizaine d'enfants inscrits sur la première liste d'urgence en 1995. Ils sont aujourd'hui 4000... Il a fallu s'organiser, mobiliser des moyens, faire des tournées en France pour susciter des parrainages, bientôt acheter un terrain tout près de la décharge, et commencer à bâtir : c'est le terrain sur lequel nous sommes aujourd'hui, couvert d'une vingtaine de constructions, abritant des salles de classes, un dortoir pour une soixantaine de pensionnaires, des ateliers de formation (secrétariat, boulangerie, buanderie), une école hôtelière, un restaurant, bientôt d'autres ateliers de formation professionnelle (mécanique etc).

Les enfants au Centre sont au nombre de 2000 (2000 autres sont scolarisés à l'extérieur et suivis). Seuls soixante pensionnaires, des enfants qu'il faut spécifiquement protéger, logent sur place. Les autres rejoignent le Centre le matin à 6H30, venus à pied, à vélo... Chaque enfant se lave les mains et prend un petit-déjeuner à base de riz et de légumes, puis tous se douchent selon la méthode cambodgienne, drapés dans leur krama, et lavent un de leur deux uniformes qui, séché, sera redistribué le lendemain matin. Commencera alors, après la cérémonie au Drapeau, comme dans toutes les écoles au Cambodge, une journée d'enseignements de différents niveaux, école primaire, collège, enseignement général, mais aussi danse traditionnelle (nous sommes au pays des "apsara"), théâtre, formation professionnelle pour les plus grands. Le soir les enfants retournent chez eux... parfois dans des cabanes au pied de la décharge.

Grâce à Moline, nous avons pu rencontrer Christian et Marie-France des Pallières [Moline est mariée à un de leurs fils, ce sont ses beaux-parents...]. Une rencontre brève mais intense. Il se dégage de ce couple exceptionnel une profonde impression de force et en même temps de douceur. Ils se disent comblés d'amour, vivant au milieu des enfants dans une maison au centre du terrain. Les enfants les appellent Papy et Mamie. De fait, malgré l'énormité de la tâche et les soucis liés à l'organisation et au développement permanent de l'association, le coeur de leur préoccupation c'est  l'écoute des enfants, comme ils l'ont fait depuis le début sur la décharge.

Beaucoup de choses partent des initiatives des élèves. Un Groupe d'Ecoute, par exemple, a été mis en place : sept filles de terminale qui ont ouvert une sorte de bureau des confidences. "Nous avons vu qu'il y avait beaucoup d'enfants tristes, qui avaient des problèmes et nous avons voulu faire quelque chose pour eux. On a pensé qu'il fallait parler de ses problèmes pour pouvoir les résoudre et nous sommes sept amies sérieuses qui avons décidé d'écouter ceux qui ont besoin de parler. C'est secret : ils peuvent nous faire confiance".

Partant de l'écoute des besoins de l'enfant et soucieux de la prise en compte globale des problèmes : hygiène, santé, famille  (beaucoup de problèmes de violence et de sévices), un atelier de couture a été créé s'adressant aux mères des enfants (fabrication des uniformes et d'objets vendus dans une boutique à l'intérieur). Des emplois sociaux aussi ont été créés pour les parents en grandes difficultés, les soutenir dans un but d'insertion.

PSE est aussi une sorte de laboratoire du futur qui se veut participer à la re-création des valeurs après le traumatisme des kmers rouges. Une fois par semaine Christian des Pallières donne à l'ensemble des élèves rassemblés un cours de morale très interactif. Les enfants discutent des propositions. Des saynètes sont jouées. "Il ne s'agit pas seulement d'enseigner mais de refaire les coeurs"...

Autre point notoire : le souci des des Pallières de s'entourer de collaborateurs kmers. Ils sont 300, formés à leurs méthodes innovantes, qui oeuvrent dans le Centre ou participent à l'animation des écoles autour de la décharge, partageant le même amour des enfants. Christian des Pallières, quant à lui, n'est pas le président de l'association, il n'est que l'un des administrateurs. Il ne veut pas que PSE soit sa chose. Le conseil d'administration est composé de personnalités fortes chargées d'apporter des compétences différentes et d'autres façons de voir.

L'action de PSE pour sortir les enfants de la décharge et les accompagner jusqu'à ce qu'ils aient un métier est à tout point exemplaire. Elle mérite d'être connue, soutenue. L'essentiel des ressources de l'association vient du sponsoring, du mécénat, et des parrainages [Pour 36 euros par mois un enfant est nourri, soigné, éduqué]. Dans l'engagement des dépenses revient toujours la question : est-ce vraiment dans l"intérêt des enfants ? La règle d'or c'est : pas de gâchis. Grâce à une gestion très rigoureuse PSE réussit à maintenir les frais généraux à 7%, un taux que peu d'ONG parviennent à respecter.

Telle est la très belle rencontre que nous avons faite. La puissance du coeur qui relève le défi d'une situation dramatique par la création d'une entreprise humaine exceptionnelle.

Pour accéder au  Site de PSE



07/12/2009
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