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Frédéric Dard, simplement

 

J'étais ce dernier dimanche avec des amis en visite à Saint-Chef en Dauphiné.

Saint-Chef est célèbre pour son église abbatiale des Xème et XIième siècles et ses magnifiques fresques du XIIième exceptionnellement conservées sur les murs de la chapelle haute. Le site, dans le creux d'un vallon encaissé, le vieux village tapi autour de la cité abbatiale, avec ses maisons, ses ruelles dominées par les châteaux forment un ensemble remarquable.

Mais déambuler dans Saint-Chef c'est aussi croiser des chemins - chemins d'écolier, école buissonnière - qu'arpenta un enfant du pays, le jeune Frédéric Dard, futur créateur de San Antonio, qui passa ici une partie de sa jeunesse.

J'ai toujours aimé la verve de Frédéric Dard, sa prose truculente, son invention de mots nouveaux, ses emprunts aux jargons populaires, ses calembours... qui en font une sorte de Rabelais moderne.

Mais évoquant ses années de jeunesse à Saint-Chef "heureux" - Dard déploie un autre style, use de mots simples où affleurent sa sensibilité, son goût poétique, son humour.

"...Comment ne pas qualifier le pays où l'on a eu douze ans... ? Car j'ai eu douze ans à Saint-Chef. J'ai fait ma première communion dans cette abbaye que j'admirais déjà sans la comprendre et où je me livrais à maintes facéties d'un goût douteux et peu compatibles avec la qualité de chrétien... Je suis allé à l'école - blouse noire étoilée d'encre violette - grosses galoches pleines de bouses - dans ce vaste bâtiment de pierre silencieux et délabré où les fenêtres hagardes fixent de leurs yeux crevés de nouvelles, d'incessantes jeunesses..."

Du curé : "Il disait en chaire la recette du gratin dauphinois à ses ouailles car il en avait marre de bouffer des saletés".

De son école encore : "Mes copains, mon école qui sentait la craie écrasée et la blouse de coutil noir. Je n'ai jamais entendu plus beau chant que les trilles d'un oiseau quand vous laissiez la fenêtre ouverte. Quand j'entends un oiseau, c'est un oiseau de Saint-Chef me faisant évader de la communale..."

Je retrouve cette veine toute simple dans certains textes qu'on peut glaner ici ou là dans les San Antonio :

- "Dans la vie, ce qui importe, ce ne sont pas les choses en tant que telles, mais l'idée qu'on s'en fait" [Turlutu gratos les jours fériés]

- "Ainsi, souventes fois, nos élans de l'âme glissent-ils sur les peaux de banane de l'incompréhension" [Va donc m'attendre chez Plumeau]

- "L'existence est une louperie gigantesque. Il s'agit malgré tout de retrouver son équilibre. On doit tenter de vivre" [Le pétomane ne répond plus]

- "Tu sais, notre vie est fragile, quand on y pense" [id]

- "L'homme étant ce qu'il est que-veux-tu-que-j'y-fasse, c'est son futur qui l'inquiète au plus fort" [Champagne pour tout le monde]

Des textes de ce genre, Dard disait : "Ces mots, ces aphorismes ont été écrits en trombe, sans que je les eusse véritablement pensés". Il ajoutait : "Qu'ils donnent à réfléchir constitue un présent inattendu".

 

Voilà Frédéric Dard, simplement. Enterré dans le cimetière de Saint-Chef, de sa tombe il a vue sur le Mont-Blanc.



26/11/2010
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