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L'Épopée de Gilgamesh (VII) Et la mort viendra

 ... La mort viendra et elle aura tes yeux

 

 

Gilgamesh anéanti, dévasté par la mort de son ami Enkidu, atterré à la perspective de subir le même sort, décide d'entreprendre un long voyage à la recherche de l'immortalité...

 

 

Tablettes VIII à X : À la poursuite de la vie-sans-fin

[tablettes très abîmées, des parties entières manquent…]
 
 
Gilgamesh «s’en va errer à travers les plaines, les monts et les vallées pour un long voyage ». Il décide d’aller trouver Ut-Napishtim, le héros du Déluge, devenu immortel [son nom signifie «l’homme qui a trouvé l’immortalité»], « afin de découvrir auprès de lui le secret de la vie éternelle ».
 
 
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Des créatures fabuleuses, les gardiens de la Montagne, une tenancière sacrée... tous le dissuadent de poursuivre ce périlleux voyage :
 
Où vas-tu Gilgamesh ?
la vie que tu cherches
tu ne la trouveras pas…
 
Personne jusqu’alors, Gilgamesh,
n’a fait ce voyage…
Le voyage est dur et pénible
que feras-tu quand tu atteindras
les eaux profondes de la Mort ?
 
Mais rien ne peut faire renoncer Gilgamesh dans sa quête existentielle. Il répète à l'envi :
 
Je suis venu chercher Ut-Napishtim
l’homme qui a trouvé l’immortalité
je suis venu le questionner sur la Mort et la Vie !
 
 
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Gilgamesh surmonte toutes les épreuves, franchit un tunnel d’obscurité [cela fait penser aux récits d’EMI (expérience de mort imminente), qui presque tous font état d’un tunnel qui mène vers la lumière…], il doit traverser en barque, accompagné d’un batelier, une grande étendue d’eau [cela fait penser aux mythes égyptiens…] et enfin il accoste « en ces lieux interdits au commun des mortels », là où vit, loin de tous et de tout, sur une île au bout du monde, Ut-Napishtim l'immortel…
 
Gilgamesh apprend de Ut-Napishtim, survivant du Déluge, le secret des origines de l'humanité, presque entièrement noyée un jour par la décision des dieux [la relation du Déluge est ici bien antérieure et beaucoup plus développée que celle de la Bible : près de 400 vers] et comment lui, Ut-Napishtim, a acquis l'immortalité, par une faveur divine exceptionnelle. Mais la vie humaine est éphémère et vouée à la mort. Gilgamesh crie son désespoir et sa peur de mourir :
 
Enkidu mon ami, mon compagnon,
celui que j’ai aimé d’amour si fort, 
celui qui m’a accompagné
dans toutes les épreuves
est devenu ce que
tous les hommes deviennent...
Après sa mort je n’ai plus retrouvé la vie.
Par peur de la mort
me voici errant dans le désert
ce qui est arrivé à mon ami 
pèse très lourd sur ma poitrine
ce qui est arrivé à mon ami me hante.
Comment pourrais-je trouver le repos
comment pourrais-je me taire
mon ami que j’aimais d’amour si fort
est devenu de l’argile
et moi aussi devrais-je me coucher
et ne plus jamais me lever ?
 
 
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Hélas ! Ut-Napishtim ne lui laisse aucun espoir : il le rappelle à sa condition d’homme, sa recherche est vaine. Il n’échappera pas au « destin » de l' « humanité » :
 
La Mort est cruelle et sans merci
la Mort
que personne n’a vue
dont nul n’a aperçu le visage
ni entendu la voix.
La Mort cruelle
qui brise les hommes !
Bâtissons-nous des maisons 
pour toujours ?
Scellons-nous des engagements
pour toujours ?
 
 

Tablette XI : L’échec et le retour à la vie d'homme

 

Gilgamesh doit s'en retourner chez lui, à sa vie d'homme, soumis à la Mort :

 

Que faire ?

Où me tourner ?

Le Ravisseur [le Trépas]

est donc maître de moi !

La Mort

s'est installée dans ma chambre à dormir !

Où que je porte mes pieds

m'attend partout la Mort !

 

Cependant Uta-Napishtim lui révèle un mystère : là où se trouve une plante de vie : "Si tu arrives à t'en emparer, tu auras trouvé la vie-prolongée" [non pas cette "vie-sans-fin" que cherchait si avidement Gilgamesh, mais seulement une "vie-prolongée" : une plante de jouvence]. Las ! À peine Gilgamesh s'est-il emparé de la plante qu'il se la fait voler par un serpent [tiens ! un serpent, comme dans le récit de la Genèse...]. Gilgamesh perd tout espoir de seulement même prolonger sa vie grâce à la plante de jouvence. 

 

 

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Ainsi s'achève le voyage de Gilgamesh aux portes du mystère. Il n'a pas trouvé l'immortalité, mais la sagesse : Il a pris conscience de ses limites en s'acceptant mortel. C'est ce qu'il proclame dans le Prologue de son récit :
 
Celui qui a tout vu
celui qui a vu les confins du pays
le sage, l'omniscient
qui a connu toutes choses
celui qui a connu les secrets
et dévoilé ce qui était caché
nous a transmis un savoir
d'avant le Déluge.
 
Il a fait un long chemin.
De retour, fatigué mais serein,
il grava sur la pierre
le récit de son voyage.
 
 
 ✥
 
 
Nous sommes arrivés, nous, à la fin de l'Épopée, émus d'avoir partagé au-delà des siècles, des millénaires même, cette aventure de la connaissance des choses de la Vie.
 
Lacan a écrit, je l'en veux bien croire comme nous quittons ce récit poignant : "Il y a poésie chaque fois qu'un écrit nous introduit à un monde autre que le nôtre, et, nous donnant la présence d'un être, le fait devenir aussi bien le nôtre".
 
Ainsi confine cet écrit le plus lointain de l'histoire de l'humanité, avec la poésie la plus proche de notre intime.
 
 
FIN


09/04/2020
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