Le cas Florence Lamblin
Les faits, d'actualité récente, largement relayés par les médias, sont connus. Ce pourrait être un cas d'école.
Voilà une quadra, élue écologiste adjointe au maire du XIIIe arrondissement de Paris, mise en examen pour "blanchiment en bande organisée et association de malfaiteurs".
Son avocat, d'entrée de jeu, multiplie les affirmations à l'emporte-pièce. Il s'agit d'une "erreur judiciaire". Sa cliente ignorait tout d'un éventuel blanchiment - [alors même qu'elle a récupéré discrètement 350 000 euros en billets de 100, 50, 20... provenant d'un compte en Suisse, des mains d'un intermédiaire, sans se poser de question, apparemment]. L'avocat ajoute : "S'il y avait quelque chose ce serait tout au plus le fait de ne pas avoir déclaré l'argent au fisc". Et il fait savoir que sa cliente n'entend pas démissionner de ses fonctions d'élue.
Ce "tout au plus" a de quoi choquer les citoyens que nous sommes. Ainsi donc, s'il ne s'agit que d'évasion fiscale, ce n'est pas une affaire. Et que ce soit le fait d'une élue n'ajoute rien à la chose. C'est bien pourquoi sa cliente n'entend pas démissionner.
Eva Joly, qui fait partie de la même obédience politique que l'élue, fustigeant dans une tribune "ceux qui font mine de ne pas voir le lien entre l'évasion fiscale et le crime organisé", déclare : "Florence Lamblin doit démissionner de ses fonctions d'élue. Sans délais. Sans atermoiements. Sans qu'aucune excuse ne vienne différer l'absolue nécessité de ce départ" - insistant : "Madame, démissionnez. N'ajoutez pas l'indignité de votre maintien à la gravité de votre faute".
Florence Lamblin, désormais coachée par un spécialiste de la communication, vient d'annoncer - une quinzaine de jours après sa mise en examen - qu'elle démissionnait de toutes ses fonctions d'élue ["un geste symbolique" selon son avocat] et régularisait sa situation vis-à-vis du fisc.
La présomption d'innocence dans l'affaire de blanchiment n'est pas en cause. La justice dira à terme ce qu'il en est.
Ce qui est en cause, c'est la banalisation de la portée de l'acte. À suivre l'argumentation de son avocat, on en arrive in fine à ceci qu'il s'agit "tout au plus" d'une fraude fiscale, que sa cliente va s'empresser de régulariser "à l'euro près" [sic]. Circulez, il n'y a plus rien à voir.
Le procédé consiste à opérer une dichotomie, c'est-à-dire à cliver l'acte en deux éléments séparés : blanchiment/fraude fiscale, et en excluant le premier terme [blanchiment], minimiser le second [fraude fiscale], une façon de réduire la portée de l'acte. Ayant déclaré devant les policiers ne pas savoir à qui elle avait affaire lors de la remise d'argent [«À aucun moment je n’ai pensé que l’argent provenait d’un trafic de stupéfiants»] Florence Lamblin se défend de toute complicité de blanchiment d'argent, et fait état, tout au plus, d'une question de "problématique fiscale" [son avocat minimise encore plus : "Le mot fraude fiscale est excessif, elle a commis ce que moi j'appelle une légèreté"]. Ce qui veut signifier que c'est beaucoup moins grave. À ce titre, Florence Lamblin ne voulait pas démissionner, pour quelque chose d'aussi peu d'importance.
Or, qu'est-ce qui s'exprime à travers ces faits ? Une élue qui se met doublement hors la loi, par son implication, même non intentionnelle, dans un réseau de blanchiment d'argent criminel, et par sa volonté de fraude fiscale, au moment même où le gouvernement met le poids sur la fiscalité, visant dans un souci de justice à "faire payer les riches". Un cas significatif de contre-exemplarité.
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