voilacestdit

voilacestdit

Mercy la vie

 

 
 
Ma famille côté paternel est originaire de Mercy-le-Haut. Ce modeste village de 300 habitants du haut-plateau lorrain (dit le Pays-Haut) s’honore d’avoir vu grandir le petit Albert, mon grand-père, né à la ferme familiale en 1871, qui, repéré par son instituteur fut envoyé au lycée de Nancy pour suivre ses études, puis ayant intégré l’École polytechnique dont il sortit major, se lança dans la politique devenant in fine Président de la République de 1932 à 1939, puis de 1939 à 1940. Un monument dressé à l’extrémité de la Quertille (la grande rue rectiligne du village) est consacré à la mémoire du Président.
 
 
 
  IMG_1438.JPG

Maison natale du Président

(Peinture de A. Renaudin, 1935)

 
 
Enfant, j’ai connu, le temps des vacances, ce village habité principalement par des cultivateurs ; aujourd’hui, les mêmes maisons sont occupées en grande partie par des ‘étrangers' (entendez : des personnes non originaires du village, venues de la région) qui, pour beaucoup, travaillent au Luxembourg tout proche. Le village paraît voué à devenir un village dortoir...
 
 
Eh bien ! détrompons-nous. Des initiatives originales surgissent qui témoignent d’un beau dynamisme.
 
 
Ainsi de la création par Gregory Collignon (Collignon est une des familles les plus anciennes de Mercy-le-Haut), fils de cultivateur, d’une boulangerie-pâtisserie à Boudrezy (commune de Mercy-le-Haut) dans ce village dépourvu de tout magasin. Gregory attire la clientèle de fort loin alentour, par la qualité et l’authenticité de ses produits : des pains cuits à l’ancienne au feu de bois, et des pâtisseries délicieuses. Son secret ? De l’audace, et l’amour du travail bien fait ! Le magasin n’a même pas pignon sur rue, mais bien fléché il est facile à trouver à l’écart de la route. Rien de classique : une sorte de petit hangar attenant à la maison familiale abrite la boutique et le fournil. Une sorte de giratoire a été installé devant les locaux pour faciliter la rotation des voitures…
 
 
Mercy Boulangerie BA1C6709-E86A-4CBA-9CAC-5A8B8EBC4D88.jpg
Gregory Collignon dans sa boulangerie
(photo Le Républicain Lorrain)
 
  
20882647_1628248690580331_1050331523604658929_n-1.jpg
 
 
À l’intérieur on peut apercevoir Gregory et ses aides enfournant la pâte à pain dans le four à bois. Sur un présentoir sont disposés de magnifiques pains cuits à l’ancienne (des pains qui peuvent se conserver une semaine, ça change de la baguette parisienne…), et aussi un pain tout noir, en fait un pain « au charbon végétal », une création de Gregory, sans parler des pâtisseries (des recettes anciennes et d’autres re-visitées, tel le délicieux kouign aman breton revu à la mode lorraine !), toutes plus appétissantes les unes que les autres. Les nombreux avis des clients sur la page Facebook https://www.facebook.com/Boulangerie-De-Boudrezy-1628246077247259/  sont unanimement enthousiastes.
 
 
 
Autre passion, autre initiative très originale : celle de Michaël Seramour, historien et chercheur originaire du Pays-Haut installé à Mercy-le-Haut qui, avec des membres d'une association, s’emploie à restaurer et faire revivre la mémoire d’un des forts de la Ligne Maginot, le Fort A5 Bois-du-Four, situé au coeur du secteur fortifié de la Crusnes, face au Luxembourg, à une quinzaine de kilomètres de Mercy-le-Haut. Michaël  a passé sa thèse à l’université Paul-Verlaine de Metz sur les traces iconographiques (dessins, peintures, sculptures etc.) laissées par les soldats dans les ouvrages et casemates de la Ligne Maginot et les fortifications de Thionville, Metz et Strasbourg de 1871 à 1945. La recherche de Michaël est passionnante : « On a l’impression, dit-il en parlant de ces peintures murales et dessins, que l’univers souterrain engage et pousse à la création »...  
 
 
 A5VueAR_SiteOE.jpg


 IMG_1218.JPG
 Michaël Seramour faisant visiter le fort
 
Concernant le fort du Bois-du-Four, abandonné pendant cinquante ans, il fait l’objet d’un travail exemplaire de restauration minutieuse de ses salles, de ses équipements, de son environnement sous la direction de Michaël, pour en faire revivre la mémoire. Le fort est aujourd’hui ouvert à la visite certains dimanches, pour les journées du patrimoine ou en certaines circonstances, guidés par des bénévoles de l’association.
 
 
 
Avec cela, existe aussi depuis quelques années une association « Histoire et Patrimoine de Mercy-le-Haut et Boudrezy », sous la présidence de Jean-François Dalmard, qui organise des événements pour mettre en valeur, donner de la visibilité au patrimoine local et participer à sa sauvegarde en y intéressant les habitants. L’association publie sur une base régulière une brochure fort bien documentée « La Gazette des Capounets et des Gayots ». 
 
 
Mon frère Hubert, membre actif de l'association, de son côté a fait beaucoup de recherches, aussi bien du côté français qu’allemand, sur la bataille qui s'est déroulée à Mercy-le-Haut et dans les villages alentours le 22 août 1914, le premier jour de la guerre  (Mercy-le-Haut se trouvant en première ligne du fait que la frontière allemande était à moins de 10 kilomètres). Son site https://www.mercylehaut14-18.fr/ rassemble aussi des documents et des témoignages sur la vie à Mercy-le-Haut sous l'occupation allemande, jusque novembre 1918.
 
 
 
 IMG_1272.JPG
 Au loin le clocher de Mercy-le-Haut...
 
 
Lorsqu'on descend la Quertille, en son milieu sur la droite se trouve une grande mare, derrière une chapelle ancienne. M'attardant sur ses bords me revint à l'esprit un haïku  japonais :
 
La vieille mare.
Une grenouille y plonge.
Plouf !
 
 
La vieille mare évoque le calme du village et aussi la part du passé disparu.
La grenouille qui saute : quelque chose qui surgit.
Plouf ! : les réverbérations produites par ces initiatives qui surgissent animent les eaux en profondeur...
 
 
 


15/06/2018
2 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 101 autres membres