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Salon des seniors : la vieillesse, un produit marchand

 

 

 

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 Ces jours-ci se tient à Paris le Salon des seniors. À lire la page de présentation sur internet, on a vite compris que les seniors, c’est un « marché » affiché comme tel :  Un marché de 22 millions de seniors, segmenté en 3 générations.

 
Ce sont quoi, ces 3 générations de seniors ? Suivons le guide (quelques extraits - en italiques) :
 
- On a d’abord  Les 50-64 ans : les baby-boomers : 12 millions, une génération en or !
Ces enfants du "baby-boom" de l’après-guerre, ont construit la France des "Trente Glorieuses" dont ils ont profité à plein : ils ont eu des salaires élevés et maintenant des retraites confortables, ils n’ont pas connu de chômage, ont bénéficié d’une éducation de qualité.
Ceux-là sont les plus intéressants (votre argent m’intéresse) : Ce sont les plus aisés parmi les seniors et les plus disposés à dépenser car ils sont plus cigales que fourmis. Très attachés à l’image et à la qualité des marques, ce sont des consommateurs exigeants mais généreux : ces jeunes seniors grisonnants représentent la génération en or que se disputent toutes les entreprises, surtout en ces temps de crise!
 
- On a ensuite  Les 65 –75 ans : les retraités actifs : vive la troisième mi-temps ! 5 millions
Ce sont des retraités heureux et en bonne forme qui profitent de leur nouvelle vie. Leurs enfants sont partis, leurs emprunts sont payés, leurs retraites sont élevées, ils ont hérité de leurs parents.
Ceux-là, on les cible pour les voyages : Ils vivent plus intensément leurs passions de toujours, ou découvrent de nouveaux centres d’intérêt.  Dans l’univers des loisirs, c’est le temps des voyages.
 
- Enfin, bon, il y a les + + : Les + 75 ans : le temps de la sagesse. 5 millions
Ils sont peu présents [de ce point de vue ce sont plutôt les - - ] au salon des seniors mais ce sont les parents de nos visiteurs, qui sont souvent prescripteurs pour eux, comme sur les sujets financiers, de logement et de services à la personne.
Instruits par la vie, ils sont habités par une certaine sagesse, dont ils font profiter leur entourage...
Il y a quand même du business à faire, un bon business même : La question de leur logement se pose […] seulement 600 000 seniors vivent en maisons de retraite et beaucoup cherchent des alternatives...
 
 
 
Voilà donc l’image des anciens reflétée par la société de consommation : la vieillesse est réduite à un produit marchand. Les anciens sont appelés "seniors" : un mot qui ne fâche pas, et qui fait référence au langage sportif (selon le dictionnaire, le senior est un "sportif " plus âgé que les juniors et plus jeune que les vétérans). De fait la notion de forme (au sens de condition physique d'un sportif) est au coeur du business dédié aux seniors. Les offres marchandes ciblent prioritairement cet objectif : garder la forme - forme physique, intellectuelle, les voyages etc. La forme ! élevée au rang d'un impératif catégorique risque de devenir l'unique objet d'attention du senior formaté dans notre société de consommation.
 
Mais il est, face à la vieillesse, un autre enjeu, qui n'est pas de forme mais de fond.
 
C’est que, dans le second versant de la vie, on ne vit pas comme dans le premier versant. Jung a des pages lumineuses à ce propos. Il écrit dans L’Âme et la Vie au chapitre « Jeunesse et vieillesse » : « Le matin et le printemps, ainsi que le soir et l’automne de la vie ne sont pas des expressions uniquement sentimentales ; ce sont des vérités psychologiques ; plus encore, ce sont des réalités physiologiques ».
 
Donc, deux versants dans la vie : le premier qui est celui de l’enfance et de l’âge adulte, de l’expansion vitale, de la construction de soi, de l’extension de sa sphère personnelle, jusqu’au midi de la vie qui est l’instant du déploiement extrême où l’homme est tout entier à son oeuvre, mais qui est aussi l’instant où naît le crépuscule ; le second versant commence, et cette transition de la matinée à l’après-midi de la vie, note Jung, « se fait par une sorte de transmutation des valeurs […] Il est impossible de vivre le soir de la vie d’après les mêmes programmes que le matin, car ce qui était alors de grande importance en aura peu maintenant et la vérité du matin sera l’erreur du soir ».
 
Autrement dit : il y a un enjeu fondamental dans la vieillesse, qui est de changer de logiciel, ne pas continuer à vivre, le soir, sur le logiciel du matin. Au cours de la phase de jeunesse et d’expansion, l’homme est naturellement porté vers les réalisations extérieures à lui ; le sens et le but du soir de la vie sont tout différents. "L’homme qui vieillit, écrit Jung, devrait savoir que sa vie ne monte ni ne s’élargit plus, c’est pour lui un devoir et une nécessité de considérer son soi-même avec sérieux [...] L’utilité sociale, dont il reconnaît le caractère nécessaire, ne saurait plus être pour lui un but. Il ressent son activité créatrice, dont l’inutilité sociale lui est évidente, comme un travail sur lui-même et comme un bienfait envers lui-même ».
 
Ce travail sur soi-même, au soir de la vie, exige simplification, limitation et intériorisation. C’est un autre logiciel que celui du matin. Quel salon pour la "promotion" de ce logiciel du soir de la vie ?
 

 

 



09/04/2016
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