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Vol au-dessus d'un nid de coucou

 

 

 

 

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La maison que nous habitons à Meylan — que nous avons fait construire il y a 35 ans en 1984 — doit disparaître (en langage technique on dit : doit être « déconstruite »). Tel est son destin à court ou moyen terme :
 
— à court terme, si on répond de suite aux offres déjà formulées de promoteurs qui s’intéressent au terrain, compte tenu du nouveau PLUi (Plan Local d’Urbanisme Intercommunal) de la métropole grenobloise dont notre commune fait partie (un PLUi pas encore voté ! mais les vautours n’attendent pas), qui rend notre secteur pavillonnaire constructible pour des immeubles R + 7 (7 étages) : il y a pour les promoteurs de belles opérations en perspective ! comme on dit.
— à moyen terme, c’est sûr il sera difficile d’y échapper, si tout le quartier se transforme.
 
Telle est l’évolution de la vie (dont je parlais dans un précédent billet).
 
 
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N’empêche, cela bouscule. Et interroge : sur la vie ici et maintenant, sur ce qui se joue dans le rapport à une maison, la manière de l’habiter, l’esprit des lieux, le rapport au jardin, à la nature toute proche, familière, "auprès de mon arbre…" 
 
Cette expérience — ce vécu — s’identifie à la fin du plus tard. Les enfants disent : "plus tard je serai…, je serai pompier etc." Ce plus tard signifie : quand je serai grand. Mais ici ce plus tard n’existe plus. 
 
Ainsi donc je me trouve affecté et je me suis interrogé sur la nature des sentiments que j’ai ressentis successivement, qui sont comme les marqueurs d’un chemin, d’un cheminement.
 
A) Tout d’abord cette expérience de la fin, je l’ai ressentie comme brutale. Comment tenir alors que rien ne tient ? Les repères disparaissent. Le paysage devient flou.
 
B) Et puis cette expérience devient celle d’une certaine étrangeté. On ne voit plus les choses attachées à la maison, au jardin, de la même façon. Leur valeur prend un tour différent. L’importance n’est plus la même. 
 
C) Mais il ne s’agit pas seulement de l’importance des choses, mais de notre rapport aux choses. Et en définitive cette étrangeté me dit quelque chose sur mon propre moi. Me voilà en quelque sorte délogé de mon moi et invité à reconstruire, autrement. 
 
"J’arrive où je suis étranger", écrit Aragon. "Rien n’est précaire comme vivre. Rien comme être n’est passager.  […] J’arrive où je suis étranger. Un jour tu passes la frontière. D’où viens-tu mais où vas-tu donc. Demain qu’importe  et qu’importe hier. […] Passe ton doigt là sur ta tempe. Touche l’enfance de tes yeux." 
 
Ainsi je retrouve le pertinent "vivre à propos" de Montaigne`: "Quand je danse, je danse ; quand je dors, je dors ; [...] Avez-vous su méditer et manier votre vie ? Vous avez fait la plus grande besogne de toutes."
 
Ce "vivre à propos" est souvent invoqué pour inciter à "vivre l’instant présent." C’est vrai, mais je l’entends également dans ce sens : vivre à propos ce qui se passe. Ce que dit d’ailleurs explicitement Montaigne plus loin dans le texte cité (extrait du chapitre De l’expérience de Essais, Livre III) : “Le glorieux chef-d’œuvre de l’homme, c’est vivre à propos.” 
 
Il s’agit bien ici de "méditer"  et  "manier" sa vie, c’est-à-dire la prendre en mains, "à propos". 
 
 


07/07/2019
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