De la mandorle
Je sais un philosophe [Marcel Conche] qui tient un journal qu'il appelle "étrange". Il explicite : "Mon journal est 'étrange' en ce sens qu'il 'sort de l'ordinaire' : je ne conte pas mes journées; je m'en tiens à 'enregistrer', comme dit Montaigne, ce qui me vient à l'esprit, de façon impréméditée." [Montaigne, qui disait lui-même : "J'ai écrit mon livre à bâtons rompus, à sauts et à gambades"].
C'est de cette façon que j'aime procéder dans ce blog, au risque parfois de me surprendre moi-même : pourquoi aborder tel sujet, plutôt que tel autre ? C'est au gré de ce qui me vient à l'esprit, de façon impréméditée.
Ainsi ai-je dans l'idée d'évoquer la mandorle, peut-être parce que lors d'un petit voyage récent dans le Brionnais [qui est une partie, très typée, du Charolais, dépendant jadis de l'abbaye de Cluny], mon attention a été retenue par la mandorle qui orne le tympan du portail de l'église romane d'Anzy-le-Duc.
Sur ce tympan on voit un Christ siégeant en majesté dans une "gloire" ovale en forme d'amande portée ou soutenue par deux anges.
Le grand tympan de Vézelay est également orné d'une mandorle au centre de laquelle trône un Christ majestueux qui se lève de son siège pour venir au-devant des hommes qu'il accueille les bras grands ouverts, ses mains sortant de la mandorle.
Ce tympan, comme celui d'Anzy-le-Duc, est caractéristique, nous disent les spécialistes, de la sculpture romane et de l'école de Bourgogne, qui travailla sous l'autorité de la célèbre abbaye de Cluny.
La sculpture du tympan dans l'esprit de cette école représente avant tout un relief orné de décors géométriques, de scènes bibliques, et de thèmes moraux jouant un rôle didactique, les voussures étant garnies d'abondants motifs de végétation.
La sculpture du tympan dans l'esprit de cette école représente avant tout un relief orné de décors géométriques, de scènes bibliques, et de thèmes moraux jouant un rôle didactique, les voussures étant garnies d'abondants motifs de végétation.
Pourquoi une forme d'amande ? Quelques explications sont avancées :
Pour les Hébreux, l'amandier était le symbole de l'immortalité. On note également qu'étant le premier arbre à fleurir au printemps, l'amandier est naturellement associé à l'idée de vie nouvelle. D'autres voient dans l'amande, qui est cachée dans une coque épaisse, le symbole de la connaissance véritable...
Mais - puisque le roman recherche les décors géométriques - il est aussi intéressant d'observer comment se construit la figure géométrique de la mandorle : si on dessine deux cercles se recouvrant, le centre de l'un des cercles se trouvant sur l'autre, on découvre dans le centre une mandorle.
La mandorle pourrait ainsi tout aussi bien symboliser la rencontre de deux mondes.
Dans l'art chrétien on pensera au monde divin et au monde humain, le Christ étant le passeur accueillant à tous les peuples [représentés dans leur diversité, à Vézelay, d'un côté par un groupe de Scythes - dont Hérodote disait que leur tête était au milieu de leur corps, et qu'ils s'endormaient le soir en s'enveloppant dans leurs grandes oreilles -, de l'autre côté par des Pygmées].
Mais aucun monde n'est clos sur lui-même, sauf à être prison et mort. La Vie est transhumance et a besoin de passeurs.
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