Au nom du peuple français (2 juin 2008)
La justice se rend au nom du peuple français.
On comprend l'onde de choc qu'a produit l'énoncé du jugement rendu à Lille annulant un mariage faute de virginité ! La justice française a-t-elle à se substituer aux tribunaux islamiques ?
L'article de la loi sur lequel se base le jugement dit textuellement que "s'il y a eu erreur dans la personne, ou sur des qualités essentielles de la personne, l'autre époux peut demander la nullité du mariage". Les juges sont-ils fondés à considérer la virginité comme une "qualité essentielle" du mariage ? Cette décision n'évoque-t-elle pas une "fatwa contre l'émancipation des femmes" [Fadela Amara, ancienne présidente de Ni putes ni soumises], n'est-elle pas "discriminatoire" à l'égard des femmes [Ligue des droits de l'Homme], "contraire à l'esprit de la laïcité" [Le médiateur de la République], "scandaleuse" [PCF], "atterrante" [PS], "remettant en cause l'égalité hommes-femmes" [UMP] ?
On comprend donc l'émoi... J'ai été scandalisé moi aussi. Sauf que...
Sauf que, ayant interrogé des amis avocats pour tenter de comprendre ce qui avait bien pu se passer dans les arcanes de la justice, j'ai eu unanimement une même réponse : ce jugement est parfaitement fondé en droit.
Quel est le problème pour le droit ? Le mariage est un contrat entre deux personnes privées qui se caractérise par l'échange des consentements. Si, dans les termes du contrat, il y a des dispositions, déterminantes pour le consentement, qui se révèlent erronées, le consentement devient fictif, la validité du mariage peut être mise en cause.
Dans le cas de cette affaire particulière, la virginité était, par accord des deux personnes - c'est leur droit, nul ne peut en juger ! -, considérée comme un élément déterminant du consentement. L'épouse reconnaît ne pas avoir dit la vérité, et que sans ce mensonge, le mariage n'aurait pas eu lieu. Le tribunal est donc fondé à juger que l'époux avait conclu le mariage "sous l'empire d'une erreur objective" qui "était déterminante dans son consentement".
Le tribunal n'a donc pas déclaré que la virginité en soi et pour soi était une qualité essentielle du mariage, il a jugé que ce contrat, concernant ces deux personnes particulières, n'était pas valide, compte tenu de l'erreur objective déterminante dans leur consentement.
Reste à se poser la question de l'origine de cette onde de choc : Qui a mis cette affaire privée sur la place publique ? Dans quel but ? A qui profite ce genre de débats ? Comment se fait-il que les Ligues, associations, partis politiques, personnalités... réagissent aussi vite, à côté de la plaque ?
La démocratie a décidément besoin de raison.
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