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Auguy Talon. Disparu.



Cela s'est passé à la Domerie d'Aubrac.

L'Aubrac est un haut plateau rudoyeux, exigeant. Sa longue histoire géologique  s'inscrit dans celle du Massif central. Quatre ensembles géologiques principaux marquent ses paysages : les roches métamorphiques du Primaire, en périphérie ; le granite de la Margeride, qui constitue la grande part de son socle ; les volcans et coulées des monts d'Aubrac, qui prolongent au sud les grands ensembles volcaniques auvergnats ; et enfin, les moraines de la dernière glaciation. Ces quatre ensembles forment le haut plateau (point culminant : 1470 mètres), enchâssé entre deux cours d'eau, au nord la Truyère, au sud le Lot, cependant que Le Bès, un troisième cours d'eau, qui prend naissance au sud du plateau, le traverse de part en part, pour se jeter dans la Truyère.
 
Ici, trois départements se rencontrent : la Lozère, l'Aveyron et le Cantal. Dans les temps anciens, trois diocèses, déjà, se partageaient le haut plateau : celui de Mende en Gévaudan, de Clermont en Auvergne et de Cahors en Quercy. Terres inlassablement traversées par le flot des pèlerins de Saint-Jacques qui empruntaient, empruntent toujours, le chemin du Puy-en-Velay vers Compostelle (la via Podiensis) par Nasbinals (capitale de l'Aubrac lozérien) et, à quelques kilomètres de là, la Domerie d'Aubrac (un hôpital isolé bâti au Moyen-âge, installé sur le point le plus périlleux du parcours de la via Podiensis).

Me voici donc à la Domerie d'Aubrac.

Un monument aux morts de la guerre de 1914-1918, en forme de stèle dressée, atteste, ici comme ailleurs dans le plus petit des villages français, des sacrifices effroyables imposés aux jeunes hommes de cette génération. Neuf noms sont gravés sur le granite. Le dernier de la liste : AUGUY-TALON (sans prénom), avec cette simple mention : "Disparu".

Disparu...

Ainsi, il est venu au monde, il a vécu dans ce pays de la Domerie, et a disparu, quelque part emporté dans la tourmente, sans laisser de trace autre que ce nom gravé sur une pierre dressée.

Alors que l'Aubrac, ses murs de pierres millénaires qui enclosent les pâturages, ses chemins de terre empruntés depuis des temps immémoriaux par les pèlerins et les passants, ses rochers qui ont roulé ça et là témoins d'une histoire primordiale, est un pays de traces.

Mais une simple vie d'homme peut donc n'être que comme un improbable filet d'eau tombé du ciel qui meurt en terre sans laisser de trace...


De tout temps j'ai aimé sur un chemin de terre la proximité d'un filet d'eau tombé du ciel qui vient et va se chassant seul et la tendre gaucherie de l'herbe médiane qu'une charge de pierres arrête comme un revers obscur met fin à la pensée.
(René Char, L'abri rudoyé)

Dédié à Auguy-Talon









24/05/2010
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