Au lac Fourchu
A l'instar de Camus dans l'Homme révolté, René Char tente à travers sa poésie de "servir en même temps la douleur et la beauté".
Ainsi de ce poème Rougeur des matinaux, qui occupa mon esprit tout au long d'une magnifique balade avec mon ami Pierre au Lac Fourchu dans le massif de Taillefer...
Rougeur : nomination de la lumière (éclat, éblouissement), de la combustion (incandescence), de la chaleur, de la vie organique (sang, coeur), du commencement de la vie, de l'aube : toutes choses données dans la nature à qui sait lire. Car la nature se lit, comme une icône se lit.
Car la nature se lit...
La rougeur est préférée au rouge, la coloration à la couleur. Dans le rougeoiement sont présents des sèmes indiquant l'instabilité, la tension, signe à la fois de l'intensité de la vie et du dévoilement de la vérité : "Poésie et vérité, comme nous savons étant synonymes" [René Char, Fureur et mystère].
"L'état d'esprit du soleil levant est allégresse malgré le jour cruel et le souvenir de la nuit. La teinte du caillot devient la rougeur de l'aurore" [Rougeur].
La rougeur est le lieu menacé d'une tension. En même temps qu'il dévoile, le jour livre au temps ce qu'il dévoile, et le promet à la mort. Jour cruel : "La lucidité est la blessure la plus rapprochée du soleil" [Fureur]
...le lieu menacé d'une tension...
"Le premier enchantement comme le premier saisissement sont pour soi" [Rougeur]. L'allégresse menacée, l'émerveillement dans la surprise de la découverte s'accompagne de saisissement, comme si le monde à la fois faisait signe, et interrogeait le poète : "Ô grande barre noire, en route vers ta mort, pourquoi serait-ce toujours à toi de montrer l'éclair ?" [Rougeur].
Le temps est vie et mort, et la condition de l'homme consiste, selon les paroles d'Héraclite que Char reprend à son compte, à "vivre de mort et mourir de vie". L'homme meurt dès qu'il naît et la mort n'est qu'une inaptitude à continuer à naître, qui interrompt la vie. La vie, fragile, fantasque comme le vent qui fait plier les hautes herbes et irise la surface des eaux...
La vie, fragile, fantasque comme le vent qui fait plier les hautes herbes...
... et irise la surface des eaux...
"Je t'aime, répète le vent à tout ce qu'il fait vivre. Je t'aime, et tu vis en moi"
[Afin qu'il n'y soit rien changé]
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