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Anniversaire Champollion

 

Billet dédié à mon petit-fils Arthur, 10 ans, passionné d’égyptologie et d’archéologie. Ensemble nous avons visité le département « Antiquités égyptiennes » du Musée du Louvre, nous attardant sur les stèles gravées de hiéroglyphes...

 

 

 

 
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En septembre 1822, il y a tout juste 200 ans, Jean-François Champollion criait eurêka ! dans son petit appartement du 28 rue Mazarine à Paris, à deux pas de l’Institut de France : il venait d’achever le déchiffrement des hiéroglyphes égyptiens. L’histoire d’une vie.
 
Une vie assez brève —Champollion est mort en 1832, à l’âge de 41 ans — qui s’est déroulée autour de trois pôles : Figeac, Grenoble et Paris.
 
 
 
 
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Brève vie de Champollion

 
Descendant d’une famille de colporteurs originaires de Valjouffrey dans le Valbonnais (un Désert qui est le pendant du Désert de Chartreuse), Jean-François Champollion, dernier d’une fratrie de sept enfants, naît en 1790 à Figeac, dans les causses du Quercy, où son père a fini par s’établir. Il est élevé principalement par son frère aîné Jacques-Joseph (né en 1778), mais celui-ci part à Grenoble en 1798 rejoindre des cousins.
 
En 1801, Jean-François quitte Figeac pour retrouver son frère à Grenoble, lequel s’occupe de son éducation. Jean-François, encore jeune (il a tout juste 11 ans), apprend le latin et le grec et aborde l’étude de l’hébreu. Poussé par son frère qui lui transmet son goût pour l’Orient et pour l’archéologie (Jacques-Joseph deviendra lui-même un archéologue renommé), Jean-François acquiert des rudiments d'arabe, de syriaque et de chaldéen.
 
Ses années de lycée ne sont pas très heureuses, il supporte mal la discipline. Mais en juin 1805 (il a alors 15 ans), il rencontre, par l’intermédiaire du mathématicien Joseph Fourier, devenu préfet de l’Isère, dont son frère aîné est proche, un moine melchite, qui a participé avec Fourier à l’expédition d’Égypte. Ce moine le convainc que le copte vient de l’égyptien ancien. Jean-François, qui s’intéresse de plus en plus à l’Égypte ancienne, veut alors s’engager dans l’étude du copte, mais il ne peut le faire à Grenoble. Ce sera à Paris.
 
Champollion rejoint Paris en septembre 1807. Il obtient une bourse, mais son frère supplée à ses besoins pour la nourriture et le logement. Il travaille énormément, pris par sa passion de savoir. Une lettre à son frère, datée de décembre 1807, donne une idée de son emploi du temps :
 
« Le lundi, à huit heures et quart, je pars pour le Collège de France, où j’arrive à neuf heures : tu sais qu’il y a beaucoup de chemin : c’est place Cambrai près le Panthéon. À neuf heures, je suis le cours de persan de M. de Sacy, jusqu’à dix. En sortant du cours de persan, comme celui d’hébreu, de syriaque et de chaldéen se fait à midi, je vais de suite chez M. Audran, qui m’a proposé de me garder chez lui les lundis, mercredis et vendredis, depuis dix heures jusqu’à midi. Il reste dans l’intérieur du Collège de France. Nous passons ces deux heures à causer langues orientales, à traduire de l’hébreu, du syriaque, du chaldéen ou de l’arabe. Nous consacrons toujours une demi-heure à travailler à sa « Grammaire chaldéenne et syriaque ». À midi, nous descendons et il fait son cours d’hébreu. Il m’appelle le « patriarche de la classe », parce que je suis le plus fort. En sortant de ce cours, à une heure, je traverse tout Paris, et je vais à l’École spéciale suivre à deux heures le cours de M. Langlès, qui me donne des soins particuliers. Le mardi je vais au cours de M. de Sacy à une heure à l’École spéciale. Le mercredi je vais au Collège de France à neuf heures. À dix heures je monte chez M. Audran. À midi, je vais à son cours. À une heure, je vais à l’École spéciale pour (deux heures) le cours de M. Langlès ; et le soir, à cinq heures je suis celui de Dom Raphaël, qui nous fait traduire les fables de La Fontaine en arabe. Le jeudi à une heure, le cours de M. de Sacy. Le vendredi je vais comme le lundi au Collège de France, et chez M. Audran. Le samedi, chez M. Langlès à deux heures. Je voulais aussi suivre le cours de turc chez M. Jaubert qui est excellent ; mais comme cela me fatiguait trop de courir tant, j’ai remis cette fatigue à l’année prochaine. »
 
Dès 1808, Champollion s’intéresse au déchiffrement des hiéroglyphes, mais préfère étudier d’abord des papyrus en écritures cursives. Sur les conseils de son frère, il se recentre en 1809 sur l’étude des hiéroglyphes.
 
En juillet 1809, il est nommé, à 18 ans, professeur adjoint d'histoire à l'université de Grenoble, puis, en 1812, professeur d’histoire. Mais suite aux troubles des débuts de la seconde Restauration en 1815-1816, il est contraint, en raison de ses opinions politiques républicaines, de partir en exil, avec son frère, à Figeac. Il retrouvera sa chaire de professeur d’histoire à Grenoble en 1818. Mais, ayant pris part à une insurrection à Grenoble en mars 1821, il est à nouveau inquiété et quitte Grenoble pour Paris en juillet 1821.
 
Pendant toutes ces années, l’esprit de Champollion reste habité par la passion de l’Égypte et l’obsession du déchiffrement des hiéroglyphes, Il émet plusieurs hypothèses forgées à partir de l’étude de la pierre dite de Rosette — du nom du lieu où fut trouvé, à la toute fin du XVIIIᵉ siècle, ce fragment de stèle d’un intérêt exceptionnel, car il comporte le même texte, un décret royal, en trois écritures différentes : en grec ancien, en démotique (une langue tardive égyptienne) et en hiéroglyphes.
 
 
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Pierre de Rosette

 

 
1822 : Champollion déchiffre les premiers cartouches royaux, dont celui de Ptolémée sur la pierre de Rosette, puis celui de Cléopâtre sur la base d'un obélisque. Le 14 septembre 1822, il annonce à son frère : « Je tiens mon affaire ! » Le 27 septembre 1822, il écrit la Lettre à M. Dacier relative à l'alphabet des hiéroglyphes phonétiques dans laquelle il fait part de sa découverte d'un système de déchiffrement des hiéroglyphes :
 
« C'est un système complexe, une écriture tout à la fois figurative, symbolique et phonétique, dans un même texte, une même phrase, je dirais presque dans un même mot. » 
 
La renommée de Champollion va vite grandir suite à cette découverte exceptionnelle. Il obtient en 1826 le poste de conservateur chargé des collections égyptiennes au Musée du Louvre, et en 1830 la chaire d'Antiquité égyptienne au Collège de France. Cependant, de retour d’une mission scientifique en Égypte, il contracte probablement le choléra, à Paris, et meurt le 4 mars 1832.

 

La voie des hiéroglyphes

 

Observant avec mon petit-fils les hiéroglyphes sur les stèles conservées au Musée du Louvre, je me suis posé quelques questions. Ces hiéroglyphes sont composés de signes, mais quelle est la nature de ces signes ? Ils sont souvent aisément identifiables, parce qu’ils renvoient, par leurs formes, à des réalités naturelles ou à des artefacts de la société égyptienne, mais ont-ils une signification autre ? Dans quel sens lit-on une ligne, de gauche à droite, ou de droite à gauche ? Cette écriture, par essence monumentale comme l'étymologie l'indique (-glyphe, du grec "graver" : graver dans la pierre) était-elle doublée par une autre écriture sur papyrus ? etc.

 

Il  est intéressant de dresser l'inventaire des signes qui représentent visuellement les entités du monde réel de l'époque. Cette liste donne une idée des référents de l'ancienne Égypte :

 

Les êtres humains et les divinités ; les animaux, mammifères, oiseaux, reptiles, poissons, insectes, invertébrés ; la flore ; les réalités géographiques et topographiques ; les bâtiments, le mobilier, les vêtements et les accessoires ; les instruments et outils liés à la chasse, à la guerre, à l’agriculture ; les articles de vannerie et les récipients en matériaux divers, céramique, pierre ; les pains et gâteaux ; les objets liés aux activités de l’esprit comme l’écriture ou la musique : les signes géométriques.

 

Cependant, dans le système d'écriture égyptien, ces signes ne sont pas seulement iconiques (ils ne se réduisent pas à une image) : à l'inverse des pictogrammes (qui peuvent être "lus" dans n'importe quelle langue), une représentation phonologique leur est associée.

 

C'est le génie de Champollion d'avoir montré que, contrairement à ce que pensaient les égyptologues de son époque, l’écriture hiéroglyphique est composée de signes qui combinent à la fois le caractère iconique de l’image et le caractère symbolique de l’oral. 

 

Bref, ce n'est pas une petite affaire de déchiffrer des hiéroglyphes. On peut toutefois, modestement, s'exercer sur la transcription de cartouches...

 

 

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De retour du musée quelques exercices simples

de transcription de cartouches...

 

 

Décrypter tout un texte est une affaire de spécialiste... L’écriture hiéroglyphique est composée des signes dont on a parlé, qui ne représentent généralement qu’un seul motif, et sont toujours séparés les uns des autres (sans ligatures). L'écriture hiéroglyphique, en outre, ne note que les consonnes.

 

Les textes sont disposés en lignes ou en colonnes. Le sens de la lecture  peut aller de droite à gauche, ou de gauche à droite : l’orientation est donnée par les signes non symétriques, c’est-à-dire qui ont un avant et un arrière. La lecture se fait toujours de manière à aller à la rencontre du devant des signes qui possèdent une orientation.

 

L'écriture hiéroglyphique, comme je l'ai dit, est réservée aux monuments. Les hiéroglyphes, gravés dans la pierre, sont taillés dans le creux ou en haut relief. Les principaux témoignages en écriture hiéroglyphique concernent les événements importants du règne : stèles-frontières, inscriptions commémorant des victoires ou des traités, décrets royaux — dont fait partie la pierre de Rosette...

C'est donc une écriture destinée à la publicité royale.

 

Mais il existait, dès l'époque antique (2ème millénaire avant notre ère), une autre écriture, l'écriture hiératique, réservée aux scribes pour l'archivage, tracée à l'encre sur des supports plus fragiles :  papyrus ou tablettes de bois. Enfin, bien plus tard, apparaît l'écriture dométique (c'est-à-dire "populaire") qui succède à l'écriture hiératique dans l'usage courant.

 

Dernier point, si l'on veut admirer l'art monumental de l'écriture hiéroglyphique, il suffit de se rendre au pied de l'Obélisque de la place de la Concorde à Paris.

 

Comme on sait, cet obélisque de 23 mètres de haut, fabriqué en granite rose d’Assouan, provient de Louxor (où se trouve encore son jumeau). L'obélisque est orné de magnifiques hiéroglyphes sur chacune de ses faces représentant des dieux ou pharaons égyptiens comme Ramsès II. À son sommet est érigée une structure pyramidale appelée pyramidion. Haut de 3,60 m, il est en bronze recouvert de feuilles d’or.

 

L'obélisque a été offert en 1830 par l’Égypte... en reconnaissance du travail de Champollion pour la traduction des hiéroglyphes.

 

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17/09/2022
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