Dans l'adversité une Bonne Année !
En cette période de Voeux, je sens parfois comme une gêne. Cela a-t-il vraiment un sens de se souhaiter une Bonne et Heureuse Année! quand beaucoup pensent en leur for intérieur : pourvu qu'elle ne soit pas pire que la précédente...
Car le monde est bien mal engagé, aussi bien en tant que planète malmenée, dont les équilibres qui en faisaient l'harmonie deviennent instables, au bord de la rupture, du fait de la part prédatrice de l'activité humaine ; que du point de vue des relations internationales, dont le mot-clé n'est plus paix, mais guerre, loi du talion, déferlement de violences dont on peut craindre qu'elles ne finissent par embraser le monde entier. Rien pour conduire à l'optimisme.
Et pourtant, il me paraît qu'il y a place pour le voeu de ne pas se laisser entraîner vers le bas, ne pas consentir, ne pas se soumettre à la fatalité — mais renouveler notre accord avec la vie.
La vie, disait Péguy, elle "fait du se faisant". Être en accord avec la vie, c'est ne pas se raidir, mais faire du se faisant. Le contraire du bois mort. Un bois qui n’est plus maintenu en vie par aucune sève, dans lequel plus rien ne monte, qui ne porte aucun fruit. Plus rien n’arrive, plus rien ne se fait.
"Du bois mort, dit encore Péguy dans son style si caractéristique (on dit qu’il se répète, mais ce ne sont pas des répétitions, plutôt une façon de progresser pas à pas), est du bois tout envahi de tout fait, tout entier occupé, tout entier consacré au tout fait, tout entier dévoré de tout fait, tout entier consommé pour ainsi dire par l’envahissement du tout fait. […] C’est un bois qui n’a plus un atome de place, et plus un atome de matière, pour du se faisant. Pour faire du se faisant. Ainsi il n’en forme plus, il n’en fait plus."
L'expression de la vie, en revanche, c'est le bourgeon : il "fait du se faisant", il a la vertu (la force) de tout ce qui commence. C’est de lui que tout vient.
"Il ne paraît rien du tout . […] Et pourtant, c’est de lui que tout vient au contraire. Sans un bourgeon qui est une fois venu, l’arbre ne serait pas. Sans ces milliers de bourgeons, qui viennent une fois […] rien ne durerait, l’arbre ne durerait pas, et ne tiendrait pas sa place d’arbre, (il faut que cette place soit tenue), sans cette sève qui monte et pleure, sans ces milliers de bourgeons qui pointent tendrement à l’aisselle des dures branches. […] Sans ce bourgeon, qui n’a l’air de rien, qui ne semble rien, tout cela ne serait que du bois mort."
Ce bourgeon symbolise l’espérance : Quelque chose de fragile, qui ne va pas de soi, qui étonne — "Ça c’est étonnant" — "cette petite espérance qui n’a l’air de rien du tout."
Je nous souhaite d'être pleinement accordé avec la vie dans cette espérance !
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