Azurs noirs
Première séquence
Deuxième séquence
Troisième séquence
20 heures. Arrivée aux urgences. Le brancardier relègue le lit dans le couloir le long du mur. Vous serez bien là. 21 heures. 22 heures. 23 heures. Le lit est déplacé dans une petite pièce attenante violemment éclairée. Commence l’interrogatoire : comment c’est arrivé, quand ? Examens, traitements, attentes, puis manifestement plus rien.
01 heure. Le lit est à nouveau déplacé dans une sorte de grande chambre aveugle où tiennent 10 lits, vaguement séparés les uns des autres par des toiles. Râles continuels, parfois des cris. En face de moi une vieille dame geint J’ai 86 ans, aha...je suis tombée, aha... je vis toute seule, aha... À ma gauche un homme râle... Je veux retourner dans mon Ehpad, aha... A! A! La vieille dame reprend ses gémissements, aha... On ne voit personne. Est-ce le jour est-ce la nuit ? Je pense que Bergson a raison de parler de Durée. Aha... aha... A! A! Le temps est suspendu. La marée continuelle des râles, le rythme soutenu m’emporte, je sombre. Je suis dans la cale du navire, peut-être dans la salle des machines. Halètements. Matière informe. Azur noir...
14 heures. On m’annonce que vais être transféré dans une chambre.
Quatrième séquence
Un monde nouveau s’ouvre. Des équipes attentionnées. Le soin est un humanisme (Cynthia Fleury). Comme tout ce qui touche à l’humain, c’est complexe, rien de simple : des complications qui s’ajoutent les unes aux autres. Des équipes qui cherchent, qui s’adaptent. Des diagnostics qui évoluent...
J’ai aimé dans ces circonstances ce petit texte de ma petite-fille Jordane (bientôt 7 ans) :
“ Un seul mot ne suffit pas
Un seul mot ne suffit pas pour dire Bonjour et Au-revoir
Un seul mot ne suffit pas pour dire Jouer, Manger, Lire
Un seul mot ne suffit pas pour la Terre et la Nature
Mais plusieurs mots ça suffit... »
Ainsi il aura fallu aussi plusieurs mots aux équipes pour cerner la complexité de la réalité... Une réalité qui résiste. Des moments de souffrance intenses aussi. Comme une digue qui rompt.
Léo fuit le monde déréglé où tout va empirant et il se laisse entraîner vers le temps d’une jeune espérance en convoquant ses fantômes rimbaldiens.
Ici présence tellement réelle ! de mon épouse Chantal, de mon fils Alexandre venu 2 jours de Paris, revenu encore 1 jour, de ma fille Eléonore venue 2 jours de La Rochelle, et de tous les amis attentionnés proposant leurs services pour soulager mon épouse. (Pour le moment, COVID-19 obligeant, une seule visite est autorisée d’une seule personne par jour...!.
Grâce à la famille, aux amis, se lève le temps d'une jeune espérance.
Ici, par la fenêtre de ta chambre au 4ème étage,
tu peux tous les matins
lever les yeux vers la lumière du ciel
Juxtapose à la fatalité la résistance à la fatalité.
Tu connaîtras d'étranges hauteurs.
René Char
Chambre 431
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