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Bourgeons

 

 

 

Le printemps est brusquement arrivé. Après de longs jours grisâtres venteux et froids, la nature explose.  Un magnifique spectacle se donne à voir, c’est l’éclosion des bourgeons, qui apparaissent sur les arbres à l’aisselle des feuilles sur les pousses feuillées, donnant naissance aux branches, aux feuilles, aux fleurs et aux fruits. Observer les bourgeons, c’est observer la vie, qui « fait du se faisant », pour parler comme Péguy. C’est contempler ce qui toujours commence ou recommence.
 
Le contraire du bois mort. Un bois qui n’est plus maintenu en vie par aucune sève, dans lequel plus rien ne monte, qui ne porte aucun fruit. Plus rien n’arrive, plus rien ne se fait. À l’image de la pensée toute faite, empruntée, recopiée, dupliquée, dont on use trop souvent aujourd’hui à travers les médias, les réseaux sociaux, pour se dispenser de penser par soi-même, d’oser la liberté de penser ; à l’image aussi du regard habitué, qui ne reconnaît que le déjà connu, ne sachant plus rien partager du regard neuf, du regard nouveau, de la création artistique : tout cela, ce n’est que du bois mort.
 
« Du bois mort, dit encore Péguy, dans son style si caractéristique (on dit qu’il se répète, mais ce sont pas des répétitions, plutôt une façon de progresser pas à pas), est du bois tout envahi de tout fait, tout entier occupé, tout entier consacré au tout fait, tout entier dévoré de tout fait, tout entier consommé pour ainsi dire par l’envahissement du tout fait. […] C’est un bois qui n’a plus un atome de place, et plus un atome de matière, pour du se faisant. Pour faire du se faisant. Ainsi il n’en forme plus, il n’en fait plus. »
 
(Du bois mort : Cela me rappelle aussi des moments difficiles il y a six mois, hospitalisé pour des plaies importantes au pied, dues à une bactérie E.coli, on m’avait diagnostiqué phlébite, embolie pulmonaire etc.… mais pas de nécrose !  je n’avais pas trop réagi sur le moment, mais la "nécrose", c’est la mort du tissu vivant, qui peut s’avérer fatale.)
 
Mais le bourgeon est l’expression de la vie, il « fait du se faisant », il a la vertu (la force) de tout ce qui commence. C’est de lui que tout vient. J’aime encore à  reprendre les mots de Péguy sur le « petit bourgeon tendre qui ne paraît rien du tout » :
 
« C’est lui qui a l’air de parasiter l’arbre, de manger à la table de l’arbre. […]
Et pourtant, c’est de lui que tout vient au contraire. Sans un bourgeon qui est une fois venu, l’arbre ne serait pas. Sans ces milliers de bourgeons, qui viennent une fois au commencement d’avril et peut-être dans les derniers jours de mars, rien ne durerait, l’arbre ne durerait pas, et ne tiendrait pas sa place d’arbre, (il faut que cette place soit tenue), sans cette sève qui monte et pleure au mois de mai, sans ces milliers de bourgeons qui pointent tendrement à l’aisselle des dures branches. […] Sans ce bourgeon, qui n’a l’air de rien, qui ne semble rien, tout cela ne serait que du bois mort. »
 
Le tendre bourgeon symbolise pour Péguy l’espérance : « Et ma petite espérance n’est rien que cette petite promesse de bourgeon qui s’annonce au fin commencement d’avril. » Quelque chose de fragile, qui ne va pas de soi, qui étonne — « Ça c’est étonnant » — « cette petite espérance qui n’a l’air de rien du tout. » 
 
La nature au printemps nous offre de quoi méditer sur la vie, fragile et forte, qui ne cesse de commencer, et l'espérance… Est-il possible de maintenir d’une façon ou d’une autre le printemps en soi ?
 
 
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Tout ce qui commence a une vertu qui ne se retrouve
jamais plus.
Une force, une nouveauté, une fraîcheur comme l'aube.
Une jeunesse, une ardeur.
Un élan.
Une naïveté.
Une naissance qui ne se trouve jamais plus. [...]
Or la petite espérance
Est celle qui toujours commence.
(Le porche du mystère de la deuxième vertu)
 


28/03/2021
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