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L'Épopée de Gilgamesh (III) La rencontre, l'amitié, le projet d'aventure

 

 ... Tout est prêt pour le combat décisif entre Gilgamesh et son rival Endiku 

 

 

Tablette II : La rencontre, l’amitié, le projet d’aventure

 
 
Enkidu fait son entrée dans Uruk. Son apparence sauvage et sa force impressionnent les gens. Il est de taille par sa vigueur à braver Gilgamesh :
 
Il entre dans Uruk aux vastes marchés.
Les gens s’assemblent autour de lui
lorsqu'il s’arrête dans la rue d’Uruk
sur le lieu même du marché
les gens s’assemblent autour de lui
et disent de lui :
Pareil à Gilgamesh il est bâti
plus petit de taille
mais plus fort d’ossature
il est le plus fort de la plaine
il est d’une grande vigueur
il a grandi en tétant le lait des bêtes sauvages
dans le désert.
Maintenant dans Uruk
le bruit des armes ne cessera pas.
 
Rapidement l’occasion d’un affrontement se présente. Gilgamesh se rend à la "maison nuptiale", suivant en cela le rituel selon lequel le roi s’unit à une prêtresse symbolisant la déesse de l’amour, afin d’assurer la fertilité du pays. Bien. Mais Enkidu s’interpose, il lui barre le passage, met le pied dans la porte ; s’ensuit une lutte terrible corps à corps :
 
Lorsque Gilgamesh, le soir, s’approche
pour rejoindre la déesse
devant lui Enkidu se dresse
et lui barre le passage.
Gilgamesh voit Enkidu en fureur
l’homme qui est né dans la plaine 
l’homme à la longue chevelure
il s’élance et se jette sur lui.
Ils s’affrontent sur le lieu même du marché.
Enkidu barre la porte de la « maison nuptiale ».
Avec son pied
il empêche Gilgamesh d’entrer. 
L’un tenant l’autre ils luttent.
Tels des taureaux sauvages ils mugissent
ils brisent le montant de la porte
et le mur tremble.
 
 
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Dans cette lutte titanesque, aucun ne l’emporte sur l’autre, il n'y a ni vainqueur ni vaincu : Gilgamesh a trouvé son égal, "un autre lui-même" avait prédit la courtisane. Et voilà qu'ils se reconnaissent l'un l'autre : 
 
Ils s’embrassent
scellant leur amitié.
 
Dans cette embrassade, ils ne font plus qu'un : iIs deviennent amis, inséparables, comme deux frères. Mais déjà apparaît comme une fêlure, non pas entre eux mais à l’intérieur de Gilgamesh, comme si lui, Gilgamesh, si fort, si sûr de lui, taillé dans le granit le plus dur, héritait d’une part de son ami, son double modelé dans l’argile plus tendre, plus fragile. 
 
Le coeur d’Enkidu est rempli de chagrin
ses yeux sont noyés de larmes
il pousse des soupirs et des gémissements
pour le réconforter Gilgamesh lui dit :
Mon ami
pourquoi tes yeux sont-ils noyés de larmes
et ton coeur plein de chagrin ?
Pourquoi pousses-tu des soupirs 
et des gémissements ? 
Endiku ouvrant la bouche
dit à Gilgamesh :
Mon ami
je sens les sanglots m’étrangler
mes bras pendent sans force
et ma vigueur est devenue faiblesse.
 
Cependant Gilgamesh rêve de réaliser un exploit extraordinaire et assurer ainsi à jamais la renommée de son nom. Il est dans sa pleine force. Sa vie est comparable à la course du soleil au matin qui tend à son apogée et il veut briller au plus haut. Il décide d’une expédition lointaine, pleine de périls, dans la Forêt des Cèdres, gardée par le géant Humbaba. Enkidu exprime ses craintes et tente de le détourner de cette entreprise si risquée : 
 
Mon ami…
Quel est celui qui oserait pénétrer à l’intérieur ?
Le mugissement de Humbaba
est celui du déluge
sa bouche, c’est le feu
son souffle, la mort certaine.
Pourquoi désires-tu entreprendre ce voyage ?
Humbaba est invincible.
 
Gilgamesh persiste dans sa volonté farouche :
 
Je veux monter jusqu’à la Montagne des Cèdres
et pénétrer dans la Forêt, demeure d’Humbaba.
Une hache me suffit pour le combat
mais toi si tu as peur
reste ici, j’irai tout seul.  
 
Gilgamesh ajoute quelques paroles à l’adresse d’Enkidu, mais c’est comme s’il se parlait à lui-même, dans son for intérieur, évoquant, c’est comme prémonitoire, les jours qui sont comptés, la crainte de la mort qui saisit tout mortel —mais lui, Gilgamesh, il voudrait entendre la voix de son ami, sa propre voix, rappeler sa vaillance, convoquer son courage, lui crier "avance, n'aie pas peur", va de l'avant, ose défier le destin, risque ta vie, cette action te vaudra un nom immortel :
 
Qui donc mon ami
pourra vaincre la mort ?
Seuls les dieux demeurent éternellement.
Les jours des humains sont comptés.
Tout ce qu'ils font le vent l'emporte.
Tu crains déjà la mort
et nous sommes encore ici.
Où est donc ta vaillance ?
Laisse-moi marcher devant toi
et que ta voix me crie :
Avance, n'aie pas peur.
Si je meurs, mon nom sera immortel.
 
 

Tablette III : Le départ pour l'aventure

 
D'autres voix cependant se font entendre pour détourner Gilgamesh de son projet si périlleux. Le Conseil des Anciens, qui rassemble en lui tout ce que la communauté a d'expérience, de sagesse accumulée, tente de le dissuader, mettant cette folie sur le compte de la jeunesse inconsciente, inexpérimentée :
 
Tu es jeune Gilgamesh
ton coeur t'entraîne très loin
tu ne connais pas les conséquences
de ton entreprise.
Nous avons entendu dire
que Humbaba est terrifiant.
Qui pourrait résister à ses armes  ?
 
Rien n'y fait. Gilgamesh répète : "Je veux, moi Gilgamesh, voir Humbaba"... "Je veux le combattre dans la Forêt des Cèdres'... "Je veux couper les cèdres et me faire un nom immortel"... Faisant fi de tous les conseils des Anciens, il préfère s'en moquer : quoi, il ne sera pas dit qu'il a peur d'Humbaba. Il ne va pas passer dans son lit le reste de ses jours ! [et certes, il n'y aurait plus matière à épopée ! ni renom immortel !]
 
Gilgamesh entendant ces paroles
se retourne vers son ami en riant et dit :
Mon ami
comment vais-je leur répondre ?
Devrais-je dire que j'ai peur de Humbaba ?
Devrais-je passer dans mon lit
le reste de mes jours ?
 
Les Anciens finissent par s'incliner devant la fougue de Gilgamesh. Ils le laissent partir pour cette expédition si risquée, non sans le bénir et lui donner des conseils pour sa route :
 
Que ton dieu protecteur
te donne la victoire
qu'il te garde la vie sauve
et te ramène à ton pays
qu'il te ramène à Uruk.
[...]
Gilgamesh, ne compte pas
seulement sur ta force,
que tes yeux soient grands ouverts
prends garde à toi.
[...]
Puisse Shamash réaliser ton désir
qu'il ouvre pour toi toutes les impasses
qu'il ouvre la route à ta marche.
[...]
Puisse Lugalbanda [dieu protecteur de Gilgamesh] être à tes côtés
pour réaliser ton désir
et, toi, pareil à un jeune enfant,
atteindre ce que tu espères.
 
Ainsi muni de ce viatique, après une dernière prière, Gilgamesh, accompagné d'Endiku qui tente de surmonter sa peur, s'engage dans la grande aventure de la Forêt des Cèdres... 
 
 
                                                                                                                                         À suivre...
 
 


27/03/2020
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