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De l'économie sociale et solidaire

 


Une rencontre en Ardèche à St Pierreville avec Béatrice et Gérard Barras, créateurs en 1982 de la coopérative de développement local Ardelaine, et des échanges et débats [avec entre autres comme intervenant Jean-François Draperi, dont je reprends plus bas en partie les propos] dans le cadre d'un séminaire de la FEHAP [Fédération  des Établissements Hospitaliers & d'Aide à la Personne] consacré à la place des organisations privées non lucratives [associations, fondations, mutuelles ...]  au sein de l'économie sociale et solidaire, ont enrichi mon regard sur les enjeux sociétaux de ce nouveau modèle économique.

Nouveau ? Pas tant que cela. Les premières utopies fondatrices remontent en France à la fin du premiers tiers  du XIXème siècle.

Mais avant de refaire le chemin qui conduit aujourd'hui à l'effervescence de toutes sortes d'initiatives qui relèvent de ce secteur dit de l' économie sociale et solidaire  [reconnu au point qu'un ministère délégué lui est dévolu], que recouvre précisément ce terme d' "économie sociale et solidaire"  ?

Ce qui fonde l'économie sociale et solidaire, ce n'est pas un type d'entreprise, c'est un "groupement de personnes" ; l'entreprise n'est qu'un moyen. Les principes de l'économie sociale et solidaire concernent un groupement de personnes qui respectent les mêmes valeurs :

1) engagement volontaire [liberté d'entrer et de sortir du groupement de personnes]
2) égalité : les décisions se prennent en AG selon le principe "une personne = une voix"
3) solidarité entre les membres [les associés mettent en commun les bénéfices de l'action collective]

La notion de groupement de personnes permet de distinguer cette économie de celle des entreprises individuelles, des entreprises publiques et des sociétés de capitaux. L'économie sociale et solidaire, c'est aussi une façon de penser et une pratique ;  avant d'exister, un groupement de personnes réfléchit à une situation [un manque] et pense une solution, qu'il met en oeuvre ; il y a donc et un mouvement de pensée [qui a produit ses propres connaissances] et un mouvement de pratique.

Je reviens à l'histoire. C'est, à l'origine, sur l'instigation des penseurs du socialisme utopique [comte de Saint-Simon, Charles Fourier, Pierre Joseph Proudhon...] que se sont développées les premières organisations de l'économie sociale - coopératives, mutuelles, des milliers d'associations ouvrières... - dans le but de faire vivre la démocratie dans l'économie ; le mot d'ordre est l'abolition du salariat [rompre le lien de subordination] : ça n'a pas fonctionné, le mouvement est décapité par Napoléon III ; la voie est ouverte à la critique marxiste.

Autre utopie, qui a son point de départ en Angleterre, dans la banlieue de Manchester : l'expérience des équitables pionniers  de Rochdale. Il s'agit d'un groupe d'ouvriers tisserands qui créent, en 1844, une coopérative de dentées alimentaires ; c'est une coopérative d'usagers, pas de production. La coopérative se développe rapidement ; en 1860, elle compte 10 salariés et 300 usagers ; elle dégage des surplus ; se pose alors la question : que faire des excédents de gestion ? Les salariés veulent une augmentation de leur salaire ; les usagers réclament une redistribution au prorata des achats... l'argument des salariés est légitime, celui des usagers ne l'est pas moins... c'est très compliqué ; il faut développer la coopération : l'excédent n'ira ni aux salariés ni aux usagers, mais sera réinvesti dans de nouveaux magasins.  Ainsi naîtra un nouveau modèle, théorisé par Charles Gide [oncle de l'écrivain André Gide] en 1889, basé sur la solidarité, la coopération  et l'association.

Troisième utopie, dans les années 1960-1970, dans l'hémisphère sud : l'accès à l'indépendance dans des pays émergents s'accompagne de la recherche de nouveaux modèles économiques pour sortir de l'état de dépendance vis-à-vis de l'ancienne puissance dominante - à l'instar, par exemple, du modèle de Ghandi qui  initie un développement endogène en s'appuyant sur des groupements de personnes sur place. Toutes sortes de modèles alternatifs inspirés de ces principes se développeront dans le monde. Encore une fois cette utopie échoue ; l'inspiration cependant est lancée.

Aujourd'hui, nous sommes dans la quatrième phase d'effervescence. Un nouveau modèle alternatif est en train de naître qui s'inscrit dans les territoires en associant les besoins des producteurs et les besoins des usagers. L'économie sociale et solidaire appelée à remplacer progressivement le capitalisme parce que seule solution pour sauver la société ? La question est ouverte.

La SCOP Ardelaine est un très bel exemple de ce type d'initiative porteur d'un avenir désirable pour la société - un avenir plus humain, basé sur la coopération, respectueux de l'environnement.

Ci-joint une rapide présentation de la SCOP :

Ardelaine est une coopérative de développement local qui s´inscrit  dans une économie solidaire. Installée à St Pierreville en Ardèche, la SCOP Ardelaine a vu le jour en 1982 sur une réflexion basée sur le moyen/long terme, la détermination d´une équipe solidaire et la conviction qu´on peut vivre et travailler autrement et relancer une filière autour d'une fabrique de laine de mouton.
La SCOP a conçu un projet diversifié reliant toutes les étapes de la filière dans une structure commune : tonte des moutons, cardage des laines, fabrication de matelas et articles de literie, tricotage et confection de vêtements et commercialisation sur place, sur les foires, salons et magasins bio. En effet, elle s´est dès le départ appliquée à proscrire de ses procédés de fabrication tout  traitement chimique et à protéger l'environnement. La dimension culturelle a aussi pris une place importante avec la création de deux parcours muséographiques qui vous présentent l´histoire de la laine.
L'histoire d'Ardelaine est une véritable aventure. Béatrice Barras  vous la raconte dans un livre intitulé «Moutons rebelles, la fibre développement local» (collection  "Pratiques Utopiques"  aux éditions REPAS 2003, également diffusée par Ardelaine).

J'ajoute une interview de Béatrice et Gérard Barras :

http://bit.ly/162zNkD

 

 

L'aventure personnelle, l'aventure prodiguée, communauté de nos aurores.
René Char, Rougeur des matinaux




29/03/2013
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