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De l'utopie

 

L'époque ne prête guère à faire rêver. Toutes les conversations de la semaine ont été plombées par l'affaire [DSK] dont au sujet de laquelle etc.

 

Est-il utopique de penser que les esprits pourraient être mieux occupés, par exemple à réfléchir sur les chemins à prendre, les contributions à apporter pour vivre mieux dans un monde meilleur ?

 

Je viens d'employer le mot utopique dans le sens : est-il vain de penser que... est-ce du domaine de la chimère, de l'illusion, du rêve, de la rêverie ?

 

Mais qui dit "utopie" ne dit pas nécessairement illusion ou rêve inatteignable.

 

Le mot, au cours de son histoire - en fonction des contextes, historiques, politiques, culturels... - a pris diverses significations.

 

Sous la plume de son "inventeur", ce grand esprit qu'était Thomas More, qui publie en 1516 son ouvrage Utopia, le mot a un sens positif. Thomas More "fabrique" ce néologisme gréco-latin en associant le ou privatif ["non"] à topos ["lieu"] pour parler d'un "pays de nulle part" ; en même temps, il souligne que, phonétiquement [prononcé en anglais], le mot évoque Eutopia ou le "bon" [eu en grec] "lieu" [topos en grec], d'où le "pays du bonheur".

 

Mais le mot, nouvellement inventé, fait fortune, non sans prendre diverses connotations divergentes. Rabelais l'utilise dans son Pantagruel [1532], au sens de "pays fictif", ouvrant le chemin à des emplois péjoratifs : "pays imaginaire", compris comme "impossible", "irréaliste". Diderot, par exemple, dans son Apologie à l'abbé Galiani [1770] reproche à un contradicteur d' "utopiser à perte de vue", en adoptant un raisonnement "abstrait, utopique". Mirabeau qualifie quelques personnages pas à son goût d' "utopiens" [1789], autrement dit de "charlatans".

 

Charles Fourier [1818], qui est traité d' "utopiste" par ses détracteurs, retourne le propos en considérant "utopique" d'imaginer que la société présente soit satisfaisante. Le mot "utopie" entre, dans les années 1830-1840, dans la plupart des dictionnaires, pour caractériser l'édification d'une "société juste", "idéale", "égalitaire".

 

Le mot balance ainsi entre deux significations. On a comme les deux faces d'une même médaille : l'une, positive - le projet d'une nouvelle société plus juste, plus généreuse, libératrice ; l'autre, négative - un projet irréaliste... ou irréfléchi, peu sérieux.

 

Aujourd'hui, dans le cadre de notre réflexion, je retiens le sens originel, positif d' "utopie".

 

Pierre Larousse, dans son Grand Dictionnaire universel du XIXième siècle [1870-1876] écrit : "L'utopie est une des formes de l'idéal et, par conséquent, elle en a tous les caractères. [...] L'idéal s'identifie pour une part avec le possible". 

 

L'utopie, ainsi conçue, connote l'idée de possible. C'est un "ailleurs" à réaliser présentement. Toutes les expérimentations alternatives, avec leurs succès, leurs échecs même, participent en ce sens de l'utopie. L'intention de créer une utopie représente déjà une irréversible avancée existentielle.

 



18/05/2011
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