Dire Oui à la vie
En ce début d’année tout m’invite, en guise de meilleurs voeux, à dire Oui à la vie, sous toutes ses formes. Oui à la vie sous sa forme joyeuse, belle, qui éveille la curiosité. Oui à la vie sous sa forme incertaine, inconnue, qui peut éveiller la crainte. Oui à ce qui arrive, attendu comme inattendu.
L’oiseau qui chante dit oui à la vie. La gazelle qui bondit dit oui à la vie. Le prédateur qui chasse dit oui à la vie. Le vivant qui s’adapte dit oui à la vie. Dire oui à la vie, c’est aussi relever le défi de vivre et s'ouvrir aux autres.
À l’image de ce parcours de vie, retracé dans une émission matinale de France Inter le samedi (« Des vies françaises, portraits sensibles de héros ordinaires ») que je retranscris ici en partie : parcours d’une femme singulière, au fort tempérament, aujourd’hui paysanne boulangère dans une ferme de la Dombes, qui « en a vu » dans l’existence et n’a jamais capitulé, mais a toujours relevé le défi de vivre en se dévouant aux autres.
Elle s’est mise en grève de la faim pour empêcher l’expulsion de son apprenti boulanger guinéen Yaya (et a obtenu gain de cause). Elle pratique avec son mari l’accueil et l’ouverture de leur ferme à de jeunes délinquants. Elle reçoit aussi dans la ferme des enfants autistes et pratique la médiation animale avec le cheval, le cochon... (« Contrairement aux adultes qui demandent toujours des progrès, l’animal il ne demande rien, il est juste là, et il est toujours prêt à se faire câliner. »).
Cette femme lumineuse, à l’itinéraire si compliqué, nous dit magnifiquement : « La vie, elle est bien comme on veut bien qu’elle soit, moi je veux qu’elle soit la plus belle possible, et parce que je la veux comme ça, eh bien elle se passe comme ça… Il faut savoir être reconnaissant, prendre conscience qu’il faut apprécier la vie, jour après jour, minute après minute, pour que les jours où ça va moins bien, on puisse repenser à tout ça... »
Voici donc quelques extraits de son témoignage de vie, qui éclaire les combats qu'elle mène aujourd'hui :
« Je m’appelle Patricia Hyvernat, j’ai 55 ans (je crois bien), je suis originaire de la Savoie. J’ai pas été élevée par mes parents, j’ai grandi dans une ferme au-dessus de Chambéry, dans un petit village qui s’appelle Saint-Cassin, parce que, voilà, il y a eu des problèmes familiaux et on a tous été placés, les 4 enfants, voilà, assez rapidement, je crois que je devais avoir à peine 2 ans. Mes frères, je les ai connus à l’adolescence. Mes parents nourriciers avaient une petite ferme, où on vivait presque en autarcie, c’est-à-dire qu’on mangeait les produits de la ferme et puis on travaillait tous chaque jour, on était 4 enfants de la DASS, voilà, on a grandi en les aidant à la ferme. C’est comme ça que j’ai appris à me débrouiller.
« Je me souviens tout particulièrement d’un moment de mon enfance, où forcément je pleurais énormément — ma mère me manquait — et je me rappelle d’un moment très distinct, et vraiment je ne devais pas être très âgée puisque j’étais sur un petit vélo à roulettes et c’est moi-même qui les ai enlevées. J’ai voulu faire du vélo sans roulettes toute seule et j’ai foncé droit devant, je me suis dit : J’arrête de pleurer. Aujourd’hui je décide, j’arrête. Et ce jour-là, j’ai opté pour un tempérament de guerrière : de guerrière, c’est : je prends ma vie en mains et je me bats pour ce que je veux faire de ma vie. J’ai décidé de m’en sortir dans la vie, j’ai décidé de faire des choses, j’ai décidé qu’on ne décide pas à ma place. […]
« Très vite je me suis prise en charge, j’ai pas hésité à me rendre utile partout où j’ai pu, pour pouvoir m’en sortir, parce que je savais que ne pouvais compter que sur moi… Quand j’ai eu mon premier enfant, à 21 ans, je travaillais dans un centre équestre, j’enseignais aux personnes handicapées, j’étais animatrice l’été pour un centre de vacances — de très belles années. Ça a pas été comme ça toute ma vie, il y a parfois des choses que j’ai été contrainte de faire, parce que t’as pas le choix. Quand je faisais du ménage, c’était vraiment pour assurer auprès de ma famille, non par choix. Quand j’ai fait du ménage, c’est parce que le père de mes enfants est décédé, et j’ai choisi la façon la plus logique pour éviter de faire subir à mes enfants trop d’aléas avec mes horaires.
« Quand mon mari est décédé je me suis retrouvée toute seule avec 5 enfants. C’était en 2008. Évidemment, on s’y attend pas. J’ai tout donné pour que leur vie soit au mieux. On a quand même subi des coupures d’électricité, ou des menaces de coupure, j’ai réussi à m’en sortir. Mais ce qui était le plus urgent pour moi, c’était mes enfants, qu’ils vivent une vie d’enfants insouciants, voir des choses, des paysages, on a fait du parachute, de la plongée sous-marins, du bateau, on est allés en Corse, on a fait plein de choses, sans moyens financiers… c’est vrai que parfois je travaillais double pour pouvoir faire tout ça… mais on l’a fait, et c’est ça qui est important.
« J’avais aussi cette capacité, quand vraiment les finances étaient au plus bas, moi je me disais Ben je vais détourner ça, on va faire la fête… et on faisait des crêpes. Et maintenant, mon fils qui a 25 ans, il me dit : Ah oui ! Alors quand tu faisais des crêpes, en fait t’étais à la dèche à ce moment-là ! Je fais : Eh bien oui ! L’important c’est la fête. Chez nous, on faisait la fête. […]
« L’enfance, ça se préserve. En fait, viscéralement, aujourd’hui je me bats pour préserver l’enfance. Un enfant, c’est ce qu’il y a de plus précieux, c’est des futurs adultes, on n’a pas le droit de négliger un enfant. […]
« Notre choix de vie avec mon mari, c’est d’aller vers les autres et de partager la chance qu’on a d’avoir de l’espace et d’avoir un super lieu de vie. On est heureux quand on peut se rendre utile à quelque chose... »
Merci pour ce magnifique témoignage !
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