voilacestdit

voilacestdit

Fait de société (octobre 2007)


Un fait de société : une rencontre, ce jour...

Ce jour, je traversais d'un bon pas la place de l'Hôtel de ville, me rendant de la rue de Seine au quartier de Belleville, où se trouve mon association, lorsque soudain, à quelques pas de moi, un homme d'une quarantaine d'années s'étale de tout son long sur le trottoir et reste allongé par terre. Il a l'air sonné.

Il est un peu tôt le matin, il n'y a pas grand monde alentour. Je m'approche. Je veux appeler les secours. Il me fait signe, péniblement, que ce n'est pas nécessaire. Cet homme a l'air épuisé. Après un temps, où il reprend ses esprits, je l'aide avec un autre passant qui nous a rejoints à se relever. Il est groggy. Je lui suggère d'aller prendre un café à un bar tout proche, pour se remettre. Il me dit Je n'ai pas d'argent. Je lui donne ainsi que l'autre passant quelques pièces. Il dit Accompagnez-moi. L'autre passant a un rendez-vous. Il ne peut rester. Je dis à l'homme Je peux y aller et, le soutenant, nous traversons la chaussée et allons nous installer de l'autre côté à une table au bar. Je commande deux cafés et un croissant.

Qu'est-ce que vous faites dans la vie ? me dit-il. Je lui dis Je suis retraité, j'étais dans un grand groupe informatique. Il me dit J'étais commercial. Je travaillais à mon compte. Mes clients étaient à Bordeaux, Paris, Lille. Mais j'ai perdu tous mes points de permis. On m'a retiré mon permis. J'ai perdu mon travail. Je n'ai plus rien. Je ne suis plus rien.

Il me dit Avez-vous des enfants ? Je lui dis J'ai deux enfants ils sont adultes. J'ai une petite-fille. Il me dit Ma femme m'a quitté. J'ai un enfant de 5 ans il est avec sa mère. Ils sont à Rennes. Je voudrais les revoir. Je n'ai plus d'argent. Je n'ai plus de travail. C'est dur.

Après quelques échanges encore La dureté de la vie, les pauvres qui trinquent de plus en plus, les riches qui s'affichent, l'injustice... j'ai du le quitter, on m'attendait à l'association. Il m'a dit Merci pour ce moment.

Reprenant mon chemin, je me suis dit Il ne fait pas bon trébucher, dans notre société. On parle de tous les laissés pour compte, de ceux qui restent au bord du chemin, des accidentés de la vie. J'ai rencontré celui-là. Combien sont à la merci d'un accident de parcours qui ne pardonnera pas.

Tu es à terre, tu t'étales. Mais la terre ne te prend pas. Tu t'écroules. Tu gis. Ci-gît un déchet de notre société. La vie, celle des autres, se poursuit. Les passants passent, les affaires sont à faire. Tu es, toi, un scorie. Un résidu de production. Un abandonné au bord du chemin.

Est-ce ainsi que les hommes vivent ?

                                                                                          Paris, 25 octobre 2007




06/01/2008
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 101 autres membres