Guerre et paix
Je ne sais pas si vous étiez à l’écoute de France Inter le 14 décembre vers 9H : dans un émouvant billet, l’humoriste Nicole Ferroni, à contre-emploi pour le coup dans cette circonstance, a raconté comment elle s’informait sur la tragédie d'Alep en Syrie en suivant le fil Twitter d'un journaliste citoyen, Hadi Alabdallah (@HadiAlabdallah).
« Il y a deux mois, j’ai demandé à Google comment on écrivait “Alep” en arabe, ce qui m’a permis sur Twitter, cette plateforme où sont publiés de tout petits messages, de trouver des gens qui se présentent comme journalistes suivant le conflit sur place », a-t-elle expliqué. Hadi Alabdallah, qui tweete en arabe et en anglais, est devenu sa « petite lorgnette sur la guerre dans son pays ». Au micro de France inter, Nicole Ferroni a traduit les mots d’Hadi. « Des familles entières enterrées sous les décombres, des corps de civils éparpillés dans les rues », rapportait-il mardi 13 décembre. Et encore : « Nous n’oublierons pas comment le monde a forcé le peuple d’Alep à choisir entre deux options : la mort collective ou l’exil massif. »
Nicole Ferroni a comparé les mots d’Hadi à ce qu’elle a lu dans le Guide du Routard de 2006 de son papa, qui décrivait les chambres d’hôtel confortables d’un établissement à la terrasse jaune et ensoleillée, les pâtisseries et l’ambiance cosy d’un restaurant.
Elle a ajouté : "Et quand j’ai lu ça, je me suis dit : c’est bizarre, Hadi n’en a jamais parlé. En effet, si on compare les phrases de Hadi en 2016 à celles du moustachu du Routard en 2006, on sent que je tiens là quelque chose de très concret sur la guerre en Syrie. A savoir que la guerre, ce n’est pas si loin que ça. La guerre, ce n’est pas un truc de “loin, là-bas”. La guerre, ça peut avoir des allures d’un “Ici et de maintenant” qu’on prend, qu’on fracasse. C’est prendre un présent et le réduire en cendres. Remplacer le cosy par la terreur..."
La voix brisée par l’émotion, Nicole Ferroni a eu du mal à lire les derniers mots du billet : «… mettre un chaos qui ne laisse plus aucune place à la douceur pas même celle des pâtisseries car la guerre avale toutes les couleurs et met du noir à la place. »
En ces jours de préparation des fêtes, alors que nous sommes submergés par toutes les sollicitations marchandes de la société de consommation, enclos dans l’univers cosy des décorations aguicheuses —il faut un grand effort volontaire de « présence » à la réalité du monde qui nous entoure pour que la guerre ne reste pas ce truc, abstrait, « loin, là-bas ».
De grands débats agitent notre République, le Conseil d’État est saisi, pour savoir si la crèche de Noël peut être autorisée, ou non, en certains lieux publics, sous quelles conditions. Le dit Conseil a joué début novembre un véritable numéro d’équilibriste en se prononçant sur la question. Pour la plus haute institution administrative, « dans l’enceinte des bâtiments publics, sièges d’une collectivité publique ou d’un service public », l’installation d’une crèche « ne peut, en l’absence de circonstances particulières permettant de lui reconnaître un caractère culturel, artistique ou festif, être regardée comme conforme aux exigences qui découlent du principe de neutralité des personnes publiques ».
Loin de ces arguties, le plus important serait de se laisser interroger par ce que signifie le récit de la crèche : des personnes jetées sur les routes (à l’époque, pour cause de recensement sur ordre des autorités d’occupation), un couple qui ne trouve pas à se loger à l’étape, la femme, enceinte, qui accouche dans une étable… Un récit qui rejoint la réalité, aujourd’hui, des personnes déplacées pour cause de guerre.
Mais ce récit parle aussi de paix, à travers la symbolique du ballet des anges dans la lumière. Il donne à croire que la guerre, qui « avale toutes les couleurs et met du noir à la place », n’a pas le dernier mot. La lumière de la paix vainc le noir de la guerre.
C’est pour cela que Noël est fêté à cette époque du solstice d'hiver (21 décembre cette année, qui correspond à la plus longue nuit et au moment où les jours vont recommencer à rallonger), qui célèbre la victoire de la lumière sur les ténèbres. Bien des femmes, des hommes, qui se sont battus pour leurs frères dans des contextes de guerre, s’en sont fait les témoins en humanité...
... À l'exemple de Hans Scholl et sa sœur Sophie, étudiants à l'université de Munich, qui osèrent en 1943 dénoncer le nihilisme intellectuel du National-socialisme et appeler le peuple allemand à résister. Leur bravoure leur coûta la vie...
... À l'exemple de Dominique Pire, dominicain, qui s'investit tout entier après la deuxième guerre mondiale dans l'aide aux personnes déplacées, mobilisant pour réaliser ses projets des milliers de personnes. Il reçoit le prix Nobel de la paix en 1958 pour son engagement en faveur de la paix. et poursuit son action en créant l'Université de paix pour former les futurs leaders du monde à une plus grande compréhension mutuelle...
... À l'exemple de Jacques de la Bollardière, grand résistant, plus jeune général de France, qui dès le début de la guerre en Algérie va travailler au rétablissement du dialogue avec la population et imposer le respect des Algériens sur tout le secteur qu'il commande, interdisant toute violence physique sur les prisonniers. Dénonçant les actes de torture, il démissionne de l'armée et entre dans un monde nouveau, celui de la non-violence...
... À l'exemple de toutes ces belles figures (pour des notices plus développées se reporter à La Croix http://bit.ly/2henLC3 ), de beaucoup d'autres, connues et non connues, qui ont apporté un message de paix.
Et c’est finalement cela la réalité de Noël.
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