Halloween
Halloween a tout l’air d’être une mode, du moins chez nous en France, mais cette mode n’en constitue pas moins un fait culturel : je n’entends pas ici « culture » au sens noble de "la vie avec la pensée" mais au sens banal, dégradé mais largement courant aujourd'hui, de "ce qui appartient, de gré ou de force, à toutes les personnes d’un même groupe" : ainsi fait-on aisément l’amalgame, pour le plus grand bonheur du marché capitaliste, entre culture, divertissements et autres produits marchands associés proposés à la consommation.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, Halloween n’est pas une célébration païenne qui viendrait supplanter les fêtes chrétiennes de la Toussaint (1er novembre) et du Jour des Morts (2 novembre). C’est l’inverse qui est vrai. Halloween était une fête célébrée par les Celtes dès avant notre ère sous le nom de Samain, et c’est à partir du VIIIᵉ siècle ap.J.-C., sous le pape Grégoire IV, que l’église catholique introduisit la Toussaint, opérant un syncrétisme avec la fête de Samain.
La fête de Samain était célébrée par les Celtes au début de l’automne. Elle se déroulait sur sept jours, trois jours avant et trois jours après le jour de Samain lui-même. C’était une fête de fermeture de l’année écoulée et d’ouverture de l’année à venir. La nuit de Samain n’appartenait ni à l’année écoulée ni à l’année à venir, elle était en quelque sorte hors du temps ; et dans cette suspension du temps, les hommes pouvaient communiquer avec le Sidh, l’autre monde.
L’Halloween que nous connaissons aujourd’hui nous vient d’Amérique du Nord via les émigrants irlandais et écossais. De fait, l’étymologie du mot Halloween n’a rien de celtique, mais relève de formes archaïques de la langue anglaise : All Hallows Eve, qui signifie littéralement "le soir de tous les saints", c’est-à-dire la veille de la Toussaint.
Au passage, les Irlandais ont rajouté au récit des temps anciens des bouts de légende qui font le succès de la célébration aujourd’hui. Ainsi du personnage de Jack-o’-lantern, qui joue un jeu dangereux avec le diable - de quoi alimenter la peur - et finit par errer éternellement dans le noir, éclairé seulement par un charbon placé dans un navet creusé en guise de lanterne… Le navet est remplacé, en Amérique, par la citrouille, plus facile à creuser, on s’entoure de tas d’accessoires ou figures, déguisements destinés à faire peur - et le tour est joué, la fête peut commencer.
Le musée Grévin, à Paris - c’est un exemple - s’est mis de la partie. Il propose, à l’occasion de Halloween, des séances de "Grand Frisson" : visites en nocturne à la lampe torche, rencontres avec des personnages terrifiants et sanglants, squelettes et autres épouvantails etc. La mode Halloween est passée par là.
Le vrai sens d’Halloween - si on en se réfère au récit celtique - est pourtant autrement intéressant. Ce moment de suspension du temps que représente Samain, entre fermeture du passé et ouverture vers l’à-venir, est aussi celui de communication avec le Sidh, l’autre monde, inconnu, qui régnait au-dessus des hommes, comme une menace ou une chance pour leurs destins.
Certes, nous savons aujourd’hui que les ciels des temps antiques n’étaient habités que de dieux et êtres maléfiques qui n’étaient que des projections, quelquefois pathétiques, de l’humaine condition. La vérité cependant est que l’homme ne se réduit pas à sa dimension terrienne inscrite sur l’axe du temps entre passé et avenir. Le break de Samain rappelle à l'existence d'une dimension supérieure qui englobe et dépasse la destinée humaine.
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