voilacestdit

voilacestdit

L'Épopée de Gilgamesh (I) Les origines du récit

 

 

 

EA6929C3-414E-4015-AC28-1A16573BB6F6_1_201_a.jpeg

 

 

 

Il y a 3 ou 4 semaines — ça paraît une éternité — j'ai pensé préparer un billet sur l'Épopée de Gilgamesh. Pourquoi un tel billet ? Parce que mon petit-fils Arthur (7 ans 1/2) m'avait bluffé en me parlant de Gilgamesh :
 

 — Tu connais Gilgamesh ? 

— Oui. Il était roi d’Uruk. Avec son ami Enkidu, ils voulaient entrer dans la Forêt des Cèdres. Ils ont combattu et tué Humbaba, le gardien de la Forêt. Après ils sont revenus à Uruk, et une déesse voulait épouser Gilgamesh mais Gilgamesh ne voulait pas. La déesse a fait descendre un Taureau-du-Ciel mais Enkidu l’a tué. Enkidu meurt pour avoir tué le Taureau-du-Ciel. Gilgamesh est triste, il pleure son ami, et il a peur de la mort. Il va chercher le secret de la vie éternelle chez ? [Outnapishtim], il ne va pas le trouver, mais ramène une plante magique pour faire durer la vie. Mais un serpent lui vole la plante. Gilgamesh revient chez lui. Il n’a pas trouvé l’immortalité.
— Ça se passait où ?
— En Mésopotamie
— C’était il y a longtemps, avant ou après JC ? 
— C’était avant JC, mais après les dinosaures...
etc.
 
J’ai ainsi découvert qu’Arthur connaissait en détail l’histoire de Gilgamesh. Intrigué, je lui ai demandé :
 
 — Où as-tu appris tout cela ?
— À l’école
— Sous quelle forme ? 
— Une BD
— Le titre de la BD, c’est L’Épopée de Gilgamesh ?

— Non : Gilgamesh… et on va faire un film [c’était avant le confinement…]

—  ? 

— On a fabriqué plein de petits cartons qui représentent les personnages, et on va les faire bouger…
etc.
 
Ça m’a bien plu d’échanger avec Arthur sur ce qu’il savait de l’Épopée et de voir comme il était intéressé. J'ai donc relu ce texte magnifique, dont j'avais déjà parlé dans un billet ancien en 2012 (L'Épopée de Gilgamesh), et voilà, les mesures de confinement arrivant, je me suis dit que je pourrais peut-être en reparler dans une suite de plusieurs billets, en prenant mon temps et n'hésitant pas à donner de larges extraits — pour le plaisir de la lecture en chambre.
 
D'autant que le confinement invite à un retour sur soi, et de ce point de vue cette oeuvre littéraire, qui est la plus ancienne connue de l’histoire des hommes, est d’une bouleversante actualité, nous parlant, aujourd’hui encore comme jadis, des désirs, des craintes, des questionnements communs à tout homme : l’amitié, le sens de la vie, la crainte de la mort, le désir d’immortalité. 
 
 
 

Les origines du récit

 
Mais quelques mots d’abord sur les origines de ce récit. Qui est ce héros magnifique : Gilgamesh ? C'est un roi légendaire d’une Cité-État, Uruk, en Mésopotamie, qui aurait régné aux alentours de 2600 avant notre ère. Le récit de ses exploits et de ceux de son compagnon Enkidu s’est d’abord transmis de façon orale, puis fut rédigé en akkadien sur des tablettes d'argile vers 2000 avant notre ère, en écriture appelée cunéiforme [de cuneus, « coin », en raison de la forme des caractères créée par l’empreinte de la pointe du roseau sur l’argile].
 
Antérieure de plusieurs siècles à l’Iliade, l'Épopée de Gilgamesh est la plus ancienne oeuvre littéraire connue, l'une des plus puissantes. Ce long Poème, en son intégralité, devait faire entre deux mille cinq cent et trois mille vers. La plus grande partie nous en est parvenue, mais en fragments. Car les tablettes d’argile, même si elles ont été assez nombreuses à exister du temps de la civilisation mésopotamienne du fait des copies et de plusieurs versions, étaient fragiles et se sont trouvées disséminées dans un large espace regroupant la Mésopotamie, l’Anatolie et la Syrie — où elles ont disparu pendant plus de deux mille ans… jusqu’à ce que, ces cent cinquante dernières années, grâce aux fouilles archéologiques, on en retrouve des morceaux épars dans plusieurs sites !
 
Les archéologues ont alors appris à déchiffrer l’écriture cunéiforme et ont réalisé jusque récemment un travail extraordinairement minutieux de reconstitution des fragments qui a permis de rétablir, morceau par morceau, ce vieux chef-doeuvre — "monument mutilé" — écrit sur onze tablettes, contenant chacune lorsqu'elles étaient complètes [seules deux tablettes complètes sont conservées], environ deux cent cinquante vers, répartis sur trois colonnes par face [les deux faces sont gravées]. 
 
L’essentiel du récit, donc, a été restauré, et c’est très émouvant pour nous, au IIIᵉ millénaire, de pouvoir lire cette Épopée qui nous vient de si loin dans l’espace et le temps, et pourtant rejoint nos propres questionnements.

 


B408042E-825B-4FEB-A5DC-00B4AC2FDB1B.jpeg

 Fragment de l'Épopée de Gilgamesh
sur une tablette d’argile
 

 

Le récit de l’Épopée est gravé sur onze tablettes, dont la suite donne la trame :

Tablette I - Les deux protagonistes : Gilgamesh et Enkidu
Tablette II - La rencontre, l’amitié, le projet d’aventure
Tablette III - Décision d’aller combattre Humbaba, le gardien de la Forêt des Cèdres 
Tablette IV - Voyage vers la Forêt des Cèdres
Tablette V - Combat contre Humbaba
Tablette VI - Combat contre le Taureau-céleste
Tablette VII - La mort d’Enkidu
Tablette VIII - Les funérailles d’Enkidu
Tablette IX - Gilgamesh à la poursuite de la vie-sans-fin
Tablette X - L’arrivée au but
Tablette XI - L’échec et le retour à la vie ordinaire

 
L’Épopée est centrée sur la figure du héros, Gilgamesh. Le modèle héroïque cependant se modifie au cours du récit. Dans un premier temps, avant la disparition d'Endiku, Gilgamesh est un héros épique, sûr de lui, qui réalise avec son ami des exploits surhumains, dont ils espèrent le renom éternel. Mais après la mort d'Enkidu, tout bascule. Gilgamesh, confronté à la peur de sa propre mort, s'engage dans un voyage solitaire en quête de la vie-sans-fin, sans y parvenir — mais il acquiert la sagesse : il prend conscience des limites de la condition humaine. 
 
Où vas-tu Gilgamesh ?
La vie que tu cherches 
tu ne la trouveras pas
 
 
Note : — Pour le texte de l'Épopée, je me réfère à la traduction et adaptation d'Abed Azrié — Les illustrations de ce billet et des suivants sont extraites du très bel album : L'Épopée de Gilgamesh, illustrée par Claire Forgeot, traduction et adaptation d'Abed Azrié

 

 

À suivre... 

 
 


20/03/2020
5 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 101 autres membres