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L'Épopée de Gilgamesh (VI) La mort aura tes yeux

… Aucun mortel ne sait comprendre qu'il meurt, et regarder la mort 

 

 

 

Ici s'amorce le grand tournant dans le récit de l'Épopée, qui est structuré en deux parties, séparées par la mort. La première partie (tablettes I à VI) a rapporté les hauts faits des deux héros, Gilgamesh et son ami Enkidu. La deuxième partie (tablettes VI à XI) narre la quête solitaire de Gilgamesh, bouleversé par la mort d’Endiku, à la recherche, sans succès, de la vie-sans-fin.
 
Ainsi en va-t-il dans la vie, hier (jadis! au IIIᵉ millénaire avant J.C. !) comme aujourd’hui. Me reviennent ces paroles de Jung : « Notre vie, écrit-il, est comparable au cours du soleil. Le matin, le soleil augmente progressivement sa force jusqu’à ce qu’il atteigne, brillant et intense, son apogée de midi. Alors survient l’énantiodromie [du grec ancien enantios (contraire) et dromos (course), signifie « courir en sens contraire »] ; sa constante marche en avant n’implique plus augmentation mais bien diminution de sa force. » La période de la jeunesse de la vie correspond au premier versant, qui est celui de lélargissement vital continuel. La deuxième moitié de la vie correspond au second versant : la descente à l’après-midi de la vie, qui, écrit encore Jung, « exige simplification, limitation et intériorisation ».
 
Le récit mythique de Gilgamesh ne dit pas autre chose. Il y a eu un premier versant, empli de tous les exploits et des manifestations de puissance de Gilgamesh ; le récit maintenant bascule vers le deuxième versant, qui va montrer Gilgamesh faire un retour sur soi, se simplifiant et acceptant in fine la limitation de la condition humaine. Entre les deux, l’événement bouleversant qui opère le basculement, le retournement : la mort tragique de son ami Enkidu, qui le regarde, le supplie, mais Gilgamesh est impuissant devant la mort, il ne peut rien pour son ami.

 

 

 

Tablette VII : La mort d’Enkidu 

[Tablette très abîmée, il n'en reste plus guère que la moitié, et en fragments épars]
 
 
La nuit qui suit la Fête du retour triomphal, Enkidu , qui a été condamné par les dieux, tombe gravement malade. Pendant douze jours il va lutter contre son mal et la mort qui le guette. "Les larmes coulent de ses yeux ». De mauvais rêves prémonitoires le hantent qu’il raconte à Gilgamesh, dévasté :
 
Gilgamesh écoute la parole de son ami
ses larmes coulent
il ouvre la bouche et dit à Enkidu :
Tu prononces des paroles extrêmes.
Pourquoi, mon ami,
as-tu prononcé ces paroles étranges ?
Ton rêve inquiète comme tous les rêves
et te trouble.
  
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Gilgamesh. cherche à rassurer son ami, et à se rassurer lui-même. Mais l’état d’Enkidu s’aggrave. Il fait un nouveau rêve terrible. Au douzième jour, Enkidu, étendu sur sa couche, appelle Gilgamesh et lui dit :
 
Mon ami, une malédiction me frappe,
je ne vais pas mourir
comme celui qui tombe en plein combat
humilié, je vais mourir malgré moi
mon ami
celui qui tombe au combat est béni.
 
Mais Gilgamesh ne peut rien répondre aux appels de son ami. Enkidu meurt...
 
[La suite a disparu : c’est là, dans la dernière partie de la tablette, que prenait place la mort d’Enkidu]
 
 

Tablette VIII : Les funérailles d’Enkidu

[Tablette très mal conservée aussi, il en reste moins d’un tiers]
 
 
Gilgamesh est au désespoir. « Au premier rai de la lumière de l’aube, Gilgamesh se lamente et pleure sur Enkidu ». Il entonne une lamentation funèbre en l’honneur de son ami, dont les accents nous touchent encore aujourd’hui :
 
Celui qui fut la hache de mon côté
et la force de mon bras
le poignard de ma ceinture
et le bouclier de ma défense
ma seule joie et mon habit de fête.
Un démon impitoyable a surgi
et ma dérobé  mon ami, mon petit frère
âne sauvage des collines
léopard du désert.
Ô Enkidu, mon ami, mon petit frère,
âne sauvage des collines
léopard du désert
ensemble nous avons vaincu les obstacles
gravi le sommet des montagnes
ensemble nous avons saisi
le taureau céleste et l’avons tué
ensemble nous avons abattu Humbaba
qui demeurait dans la Forêt des Cèdres.
Quel est donc ce sommeil profond
qui maintenant te saisit et te domine ?
L’obscurité de la nuit t’enveloppe
et tu ne m’entends plus.
 
 
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Mais Gilgamesh sait que lui aussi devra mourir. Il abandonne tout et s’en va errer pour un long voyage initiatique, seul, à la poursuite de la vie-sans-fin...
 
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04/04/2020
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