Le capitalisme est-il moral ?
On n'a jamais autant parlé morale que ces derniers jours, dans la continuité des affaires, AIG d'abord aux Etats-Unis, puis successivement chez nous, dans le désordre - c'est le cas de le dire - les stock-options des dirigeants de la Société générale [qui ont d'ailleurs fini par y renoncer, pour "couper court aux polémiques", disant n'avoir "pas su expliquer les mécanismes intrinsèquement complexes" des dites stock-options], le "parachute doré" de l'ex-PDG de l'équipementier automobile Valeo [débarqué pour cause de "divergences stratégiques"], les bonus versés aux managers de Cheuvreux, filiale du Crédit Agricole etc. - toutes sociétés qui ont bénéficié de l'aide de l'Etat sous forme de prêts ou de garanties.
Dernière affaire en date [mais chaque jour apporte son lot de nouvelles nouvelles] : Natixis [qui a accusé en 2008 une perte de 2,8 milliards d'euros, et a déjà reçu, par l'intermédiaire de ses deux maison-mères, 2 milliards d'euros de fonds propres en décembre, et doit en recevoir 5 (milliards) de plus dans les semaines à venir] verse 90 millions de bonus à... ses traders ! Après tout, se justifie la banque, "plusieurs traders n'ont pas démérité" !
Trop c'est trop : l'opinion publique ne comprend pas. Et les arguties, par exemple, des deux dirigeants de la Société générale, qui disent n'avoir pas su expliquer les mécanismes "extrêmement complexes" des stock-options, tombent à plat : il n'y a rien de compliqué dans ces mécanismes ! [C'est même tout le contraire : et dire, comme ils avaient commencé de le faire, "nous renoncerons à exercer nos stocks-options pendant 5 ans", relève de la plaisanterie, ou de la mauvaise foi, puisque, de toute façon, les stock-options ne peuvent pas être exercées... avant 5 ans ! ça fait partie du mécanisme "extrêmement compliqué"].
L'opinion publique donc s'émeut. Et que se passe-t-il ? Les politiques se précipitent dans la brèche. C'est à celui qui fustigera le plus sévèrement l'absence de moralité des entreprises qui ont le tort [ou la malchance] de s'être fait remarquer au mauvais moment.
Sarkozy y voit, croit-il, une bonne occasion de faire oublier ses propres frasques. Et de monter au créneau en s'en prenant directement à la patronne des patrons, Laurence Parisot, qui venait d'affirmer - un peu sottement - qu'elle n'avait "ni le pouvoir ni le désir [!] d'imposer" des règles à toutes les entreprises. Vertueux Sarkozy : "L'éthique du capitalisme, ce doit être une éthique de la responsabilité, une éthique de l'effort, une éthique de l'honnêteté [...] Il ne doit plus y avoir de parachute doré, il ne doit plus y avoir de bonus, de distribution d'actions gratuites ou de stock-options dans une entreprise qui reçoit une aide de l'Etat etc." - parole de celui qui s'est versé une auto-augmentation de salaire de 200% en prenant ses fonctions, sans égard aucun à la portée symbolique catastrophique de cette initiative incongrue.
Qu'on ne s'y méprenne pas, tout çà c'est des bien des paroles. Parisot continue de son côté à [faire] croire qu'avec un "code de bonne gouvernance" tout ira bien : "Le code de gouvernance Afep-Medef, rien que le code, mais tout le code", dit-elle. Comme il en était, à la fin des années 80, avec les "projets d'entreprise" et autres "chartes", qui dispensaient d'autant plus les entreprises d'agir qu'elles communiquaient sur l'éthique [et en faisaient même un argument de vente].
Le fond du sujet, c'est qu'il est inutile et inefficace [sauf à en tirer quelque avantage, pas désintéressé, auprès de l'opinion] de vouloir moraliser le capitalisme, car le capitalisme n'est pas moral.
Le capitalisme a ses règles, qui se résument à faire le plus d'argent possible, par tout moyen, à partir d'une mise initiale risquée. Le reste est littérature.
Le contribuable, dans la situation actuelle, a, à juste titre, un droit de regard, puisque c'est l'argent du contribuable qui est risqué dans les opérations de sauvetage en cours. Mais fi de paroles. La seule méthode, ce n'est pas de compter sur la morale, c'est d'imposer [au sens 'ponctionner par l'impôt'], pourquoi pas à 90%, comme Obama en a pris la décision aux Etats-Unis, tous les stock-options, parachutes ou bonus incongrus. Qu'en pensent les politiques ?
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