Mes mains et le fromage
De mon épouse ce billet :
Mes mains et le fromage, quel rapport, me direz-vous ? Mais vous allez comprendre.
Sans entrer dans les détails ennuyeux de mes misères liées au vieillissement, je dois vous dire que je suis atteinte d’une arthrose qui affecte tout particulièrement mes mains. Depuis 3, 4 ans, j'assiste - impuissante - à un processus inexorable de déformation de mes doigts qui sont de plus en plus inflammés et de moins en moins mobiles. Jusqu'à présent, je n’avais pas encore mal, ou plus exactement, j'avais décidé de ne pas avoir mal, d'autant plus que la médecine se dit impuissante à guérir cette maladie. Mais j'avais beau traiter cette affaire par le mépris, ma vie quotidienne commençait à en être affectée. Un exemple révélateur : ma main droite ne parvenait plus vraiment à essorer efficacement une éponge…
À plusieurs reprises, ma professeur de yoga m’avait conseillé d’arrêter de manger des laitages. "Essayez pendant 15 jours", me disait-elle. Or j'avais décidé une fois pour toutes que jamais, au grand JAMAIS je ne me priverais de fromage. La Franche-Comté est mon berceau, le Haut-Doubs plus précisément. Les excellents laitages de cette région me rattachent à mon enfance et à mes ancêtres, me relient à mes racines les plus profondes, au coeur des pâturages de mon pays. Le fromage c'est ma madeleine de Proust, mais c'est aussi par le fromage - accompagné de pain et de vin - que je me mets au diapason des terroirs français. Donc le fromage, pour moi, est infiniment plus que le fromage.
Le samedi 9 avril, mon activité de jardinage m'amène à manier le sécateur d’une manière un peu trop intensive. Le lendemain, mes doigts sont particulièrement engourdis et gonflés par l'inflammation, à tel point que j'accepte - pour une fois - de regarder les choses en face : je suis inquiète pour l'avenir.
Or ce jour là, au cours d'une conversation avec ma voisine, celle-ci me déclare inopinément qu’elle ne prend plus de fromage à la fin des repas à cause de son arthrose. "Depuis que je ne consomme plus de fromage, l'état de mes mains s'est considérablement amélioré", me dit-elle.
Sur le champ, instantanément, j'ai décidé, ou plus précisément mes doigts m'ont imposé la décision d'arrêter le fromage immédiatement. Ma tête, prise de cours par cette décision subite et brutale, n'a même pas tenté de négocier une date d'échéance ! De plus, comme je n'avais pas mangé de fromage la veille, j'ai décrété que la décision s'appliquait à titre rétroactif au jour précédent : un jour de gagné et de surcroit, il me suffisait de me couler dans un processus déjà engagé...
Je ne m'attendais pas à un miracle dans l'immédiat et je ne surveillais pas vraiment mes mains.
Or, au bout de 5 jours, à ma grande stupéfaction, l’état de mes doigts s’était considérablement amélioré : ils étaient moins congestionnés et je les pliais mieux. Je n'en croyais pas mes sensations tellement le changement était déjà significatif !
Aujourd'hui, au bout de 4 semaines, le changement est spectaculaire. Non seulement,mes doigts ne sont plus inflammés, mais ils sont beaucoup plus mobiles; ils me donnent une sensation de bien être que je n'avais pas connue depuis longtemps.
Certes ils sont déformés et ils le resteront, et ils gardent une certaine raideur, surtout dans la main droite. Je ne prétends pas être guérie de l'arthrose ; mais chaque jour mille fois j'ai l'occasion de m'extasier de la redécouverte d'un usage agréable de mes doigts.
Qu'en est-il de mon "régime" et de mon rapport au fromage ?
Tout d'abord, je ne m'imaginais pas capable de me passer de cet aliment avec une telle détermination et persévérance, mais les bénéfices que j'en tire sont tellement gratifiants que je n'éprouve pas, pour le moment, la tentation de manger à nouveau du fromage. Ma frustration - d'ordre nutritionnel ou/et affectif ? - est plus souterraine et je sens la nécessité d'un rééquilibrage dans ma façon de me nourrir, La preuve en est que je suis parfois prise de fringales erratiques qui ne savent pas sur quoi jeter leur dévolu. Il y a donc bien un manque, mais enfin...
Je continue à manger - à petites doses - certains laitages inclus dans l'alimentation et à l'avenir je m'autoriserai quelques moments d'exception. Je ne suis pas et je n'ai pas envie de devenir une ayatollah du régime
Mais, me direz-vous, pourquoi faire tout un plat de cette petite affaire privée qui ne concerne que moi ?
Sans pour autant m'investir de la mission de faire des adeptes, j'ai envie de partager mon expérience et les questions qui sont nées - pour moi - à partir de là. Tout d'abord, la source première de mon étonnement : j'ai découvert que j'avais sans le savoir à portée de main un moyen tout simple ayant pour moi des effets rapides et significatifs - par rapport à un mal qui me semblait irrémédiable. A travers cette expérience, j'ai découvert concrètement que l'alimentation peut soigner, sinon guérir. La réponse n'est donc pas forcément le médicament qui, d'ailleurs, n'existe pas toujours. Si la nourriture a une incidence si grande sur la santé, je découvre qu'elle peut aussi tout simplement permettre d'aller mieux. Ainsi, j'expérimente que nous sommes réellement ce que nous mangeons. Bref, cette expérience m'amène à reconsidérer les relations entre l'alimentation et la santé, l'alimentation et la médecine...
Et puis, enfin, qu'en est-il de la perte de ma madeleine de Proust et de son deuil ? Cette question est loin d'être la plus négligeable, mais il est encore trop tôt pour en disserter...
Retour aux articles de la catégorie Billets d'humus -
⨯
Inscrivez-vous au blog
Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour
Rejoignez les 104 autres membres