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Le bonheur d’une invitation amicale m’a fait connaître Minorque, la plus orientale des îles Baléares. Un court séjour, mais combien riche de belles découvertes. Minorque, Menorca, le nom m’était presque inconnu... 

 

Minorque, c’est pourtant la seconde île de l’archipel. Mais, un peu à part, si peu encombrée encore ; avec ses rudes paysages minéraux de l’intérieur, les enclos de pierres sèches parfaitement appareillées, les chevaux à la robe noire de jais (de race minorquine), des vaches, des moutons qui paissent dans des prairies faiblement vallonnées (le point le plus haut de l’île, la montagne du Toro, culmine à 356 mètres d’altitude) ; avec ses côtes rocheuses sauvages au Nord ; avec ses cala, ses criques, certaines de sable, et petites baies accueillantes au Sud ; et à chaque extrémité (l’île fait 53 kms de long) une ville au riche passé historique : d’un côté, à l’Est, Mahón la blanche, avec sa rade et son port, industrieuse, commerçante, dont les Anglais firent la capitale au XVIIIᵉ siècle ; de l’autre, à l’Ouest, Ciutadella la noble, aux teintes chaudes mordorées, regorgeant de palais et d’églises ; l’une et l’autre d’un grand intérêt architectural. Et avec cela, mais c’est moins singulier, une île à tous les vents (j’ai même vu un point qui s’appelle ‘les huit-vents’) et dont on peut faire tout le tour, en 20 étapes, en cheminant sur le Cami de Cavalls, dont l'existence est attestée dès le XIVᵉ siècle, sans doute un ancien chemin de défense et de surveillance des côtes...

 

Cheval minorquin en spectacle (Wikipédia)

 

... car Minorque, c’est une longue histoire, marquée par une suite d’invasions et de conquêtes : les Romains l’annexent en 213 avant JC et l’incorporent à l’Hispanie citérieure ; les Maures la conquièrent en 903 ; en 1287 une invasion aragonaise est menée par Alphonse III et l’île est rattachée au royaume unifié d’Espagne ; au cours du XVIᵉ siècle, les incursions de pirates et les attaques navales turques détruisent les ports de Mahón et Ciutadella, provoquant la quasi-disparition de la population de l’île ; en 1708 les Anglais s’emparent de l’île, qui restera anglaise, à part quelques courtes périodes de domination française ou espagnole, jusqu’en 1802, date à laquelle l’île est définitivement rattachée à l’Espagne ; durant toute la guerre civile espagnole, Minorque, contrairement à Majorque et à Ibiza, reste républicaine (et c’est peut-être grâce à cela que, délaissée par le régime franquiste, elle échappa à la bétonisation massive des autres îles des Baléares des années 60-70 ?).

 

Avec ses 30 000 habitants, Mahón — Maó en menorqui (variété locale du catalan), comme on lit sur les panneaux routiers — conserve le charme d’une ville simple s'étirant le long de la partie la plus profonde de la rade, qui s’enfonce de près de 5 kms à l’intérieur des terres. Le port est l’un des mieux situés stratégiquement en Méditerranée occidentale, contrôlant l'Ouest de cette mer, et de fait il fut moultes fois convoité par les envahisseurs, attaqué, et la ville dévastée. Mais il ne reste plus grand chose aujourd’hui de ce passé militaire, à part la forteresse de la Mola, qui fut construite à la moitié du XIXᵉ siècle pour protéger l’entrée du port. On flâne agréablement au long des quais, admirant l’activité variée des bateaux de pêche locaux et des yachts sur les plans d’eau, et les échappées vers la mer. En se promenant à travers le labyrinthe des rues, on découvre de belles demeures d’architecture géorgienne, un héritage de la domination britannique au XVIIIᵉ siècle, et on admire quelques belles églises, d’un gothique tardif. 

 

 

 

  

 

Mahón, serait, je l’ai appris sur place, à l’origine du mot « mayonnaise » ! c’est ce qu’on raconte là-bas : conquise par le maréchal de Richelieu, en 1756, son cuisinier lui aurait présenté cette sauce locale, baptisée la « mahonnaise », fabriquée avec les deux seuls ingrédients dont il disposait : œuf et huile…

 

Puisque j’en suis aux anecdotes, pourquoi ne pas rapporter que la petite ville de Sant Lluís (Saint Louis, une fondation française du XVIIIᵉ siècle), à 5 kms au Sud de Mahón, fut le berceau de la famille Sintès, qui, implantée en Algérie, engendra un certain... Albert Camus ! fils de Catherine Sintès.

 

À l’autre extrémité de l’île se trouve l’ancienne capitale, Ciutadella, 30 000 habitants également, détrônée par Mahón depuis la domination anglaise, mais les nobles n’ont pas suivi le mouvement et sont restés sur place. La ville en a gardé un bel ensemble de bâtiments d'architecture Renaissance, des ruelles étroites pavées de pierres, des palais et des églises groupés dans le quartier historique, dont la magnifique cathédrale gothique catalan, à une seule nef, construite sur une ancienne mosquée.  

 

 

 

 

Minorque, ce sont encore de bons produits locaux, des fromages réputés (la fabrication du fromage remonte à l’antiquité), des charcuteries exceptionnelles, et du vin qui était déjà apprécié du temps des Romains. Ce sont aussi des activités typiques comme l’industrie de la chaussure (de la belle chaussure), développée dans les petites villes du centre, Alaior et Ferraries, qui remonte à la moitié du XIXᵉ siècle, quand un chef d’entreprise qui avait voyagé à Cuba, revint à Minorque pour introduire les techniques de tannage de cuir ; l’habileté de la main d’oeuvre minorquine fit le reste. 

 

Voilà une brève présentation de l’île. Reste un autre volet, passionnant, que je développerai dans le prochain billet, je parlerai de la riche et singulière protohistoire de l'île dont témoignent les nombreux et impressionnants vestiges mégalithiques de la civilisation talayotique (2 000 à 1 000 av. J.C.)...

 

 

 Construction talayotique (naveta funéraire)