voilacestdit

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Quel homme dans quelle société ?

 

Essayons d'oublier un instant ce qui conditionne notre regard et prédétermine nos analyses. Révoquons nos références (droite/gauche...) pour garder un oeil neuf. Une fois ces principes posés, soyons curieux des choses.

Ce qui me frappe le plus dans cette campagne, c'est l'absence de débats sur ce qu'on appelle un projet de société. Chacun des candidats nous égrène, l'un après l'autre, les points les plus variés, les plus susceptibles d'aguicher un électorat, d'un programme conçu comme l'index d'un copieux catalogue de vente - on pourrait dire 'par correspondance', chaque article étant conçu pour bien correspondre aux desiderata d'une catégorie d'électeurs.

Somme toute, on est là dans la tactique. Mais qu'est-ce qu'une tactique, sinon l'exécution, adaptée aux circonstances, d'une stratégie. Et qui dit stratégie dit projet ;  or c'est là que le bât blesse : de quel projet parle-t-on ? Dîtes-moi quel homme, quelle société vous voulez - c'est de cela que nous voudrions débattre, pas d'une liste d'articles.

Quel homme dans quelle société : quelles valeurs ? Pour moi c'est un peu le clou, auquel tout le reste s'accroche. Une, des valeurs, selon le dictionnaire, c'est "ce qui est vrai, beau, bien, selon un jugement personnel, plus ou moins en accord avec celui de la société de l'époque" [Le Robert]. Où l'on voit que la question des valeurs renvoie aux qualités de la personne individuelle, et au projet dont la personne est porteuse, qui s'inscrit dans une société.

Nietzsche écrit dans Ainsi parlait Zarathoustra  : "Une table des valeurs est inscrite au-dessus de chaque peuple ; c'est la table de ses victoires sur lui-même [...] En vérité, mon frère, dès que tu connaîtras quels sont les dangers, le sol, le climat, les voisins de ton peuple, tu pourras deviner la loi qui régit ses victoires sur lui-même, et tu sauras pourquoi il a choisi telle ou telle échelle pour monter vers la réalisation de ses espérances" [Première partie, Des mille et une fins].

Voilà ce dont j'aimerais qu'il soit débattu : pourquoi le choix de telle ou telle échelle pour monter vers la réalisation de nos espérances. D'autant que les valeurs ne sont pas immuables. Nietzsche ajoute dans le même passage : "Les valeurs changent, quand les créateurs changent". Et, dernière notation, qu'il ne nous est pas facile de comprendre dans notre culture mais qui montre la sensibilité de Nietzsche à la sagesse orientale : "Si l'on veut créer, il faut commencer par détruire".

Voilà rude matière à réflexions et partages. Albert Camus écrivait, en 1957 : "Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu'elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse" [Discours de Stockholm].

Les hommes sont voués à leurs valeurs. Sans doute la tâche pour nous, notre génération, consiste-t-elle moins à empêcher que le monde ne se défasse, qu'à accepter qu'il se défasse, pour rendre possible d'entrer dans un véritable processus de création d'un monde autre.

 

L'environnement est bien incertain ? C'est l'incertain qui donne sens à la création. Si tout était certain, il n'y aurait pas de création.

 

 

Suivez-moi sur Twitter : @voilacestdit


09/03/2012
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