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Retour à Ithaque

 

 

 

Se retrouver chez soi à deux, après tous ces jours d’hospitalisation et de solitude a quelque chose d’exaltant, de déstabilisant aussi. Après avoir retrouvé ses marques, après s’être organisé pour les soins à domicile, complexes et chronophages (1H30 tous les jours de curetage des plaies vives par une équipe d'infirmières, et cela pour x mois encore), reste cette impression singulière : quelque chose a changé dans le rapport à l’ordinaire.
 
 
Lorsque Ulysse fut de retour de son long voyage, personne ne le reconnut à Ithaque, hormis son vieux chien.
Ithaque n’avait pas changé, mais lui, Ulysse, n‘était plus le même.
Tout le monde connaît ces vers de Joachim DU BELLAY : "Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage… »
Sauf que le voyage d’Ulysse, à quelques moments près, ne fut pas si beau que cela, il a été rempli d’épreuves.
Et lorsqu’Ulysse est rentré, la souffrance et les épreuves l’avaient modelé autrement. Ithaque n’avait pas changé mais lui, Ulysse, avait connu la simplification en ayant eu comme rendez-vous avec lui-même.
 
Au retour d’un long voyage marqué par les épreuves, il semble, peut-être à cause de la souffrance qui ne laisse pas de place à autre chose que l’essentiel, que le bonheur, il n'est pas ailleurs, l’homme le porte en lui-même ; ce bonheur, il est dans la satisfaction des aspirations humaines naturelles, tout le malheur vient non pas d’un manque mais d’un excès. La souffrance par son excès épure, tous les autres excès, attachés aux biens, paraissent dérisoires et inutiles. 
Ce point de contact avec l’essentiel, peut-être est-cela qu’on appelle l'Intîme. Étrange retour de ce singulier voyage.
 
 
 
… Je termine les dernières 2000 pages de La Guerre et la Paix, dont j’ai commencé la lecture au début de mon hospitalisation, c'était il y a 7 semaines. Le hasard veut, ayant écrit le texte précédent, que je tombe sur ces lignes, qui me parlent beaucoup. L’un des héros, le comte Pierre Bezoukhov a été fait prisonnier par les Français et a subi les terribles épreuves, pour les soldats français et les prisonnier russes, de la retraite de la Bérézina, dans le grand froid, la neige, les blessures gelées, la faim, le dénuement total. Libéré, il se remet lentement de ses blessures, et voici qu’il éprouve pendant sa convalescence, après être passé par ces terribles épreuves, « le sentiment joyeux de liberté, cette liberté totale, inaliénable, propre à l’homme ».
« Ah ! comme c’est bien ! Comme c’est agréable ! se disait-il quand on lui avançait une table servie avec du bouillon odorant, ou quand, le soir, il se couchait dans un lit moelleux et propre… Ah ! comme c’est bien, comme c’est agréable ! » Et, par une vieille habitude, il se demandait : « Et maintenant ? que vais-je faire ? Et aussitôt il se répondait : « Rien. Je vivrai. Ah ! comme c’est agréable !"
 
 


21/11/2020
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