Un rêve fou
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Il voulait prouver que la Terre est plate, mais meurt dans sa fusée artisanale
Mike Hughes, un sexagénaire américain, est mort dans l'accident de la fusée à la vapeur d'eau avec laquelle il comptait un jour aller dans l’espace.
Vue comme cela, la chose paraît dérisoire.
Voilà donc un quidam américain, ancien cascadeur au demeurant, “Mad Mike” ("Mike le fou") comme il était surnommé dans son entourage, adhérent de la théorie de la "Terre plate" (toujours en vogue dans certains milieux là-bas), qui veut s'assurer par lui-même de la chose. Il construit une fusée artisanale dans son garage avec un ami et fait par le passé plusieurs tentatives pour tenter de s'élever à plus de 1500 mètres d'altitude.
La dernière tentative, en 2018, s'est soldée par un accident, suite à une mauvaise réception après sa descente en parachute. Il a quelques lombaires tassées. Qu'à cela ne tienne. Il remet cela le 22 février dernier. La chaîne de télévision américaine Science Channel couvre l'événement en direct. Mais cette fois-ci le lancement ne se passe pas comme prévu. On voit sur les images un parachute qui se détache de la fusée quelques secondes après le décollage, et le véhicule spatial changer aussitôt de trajectoire pour s’écraser quelques centaines de mètres plus loin. Mad Mike Hughes y laisse sa vie.
Science Channel✔@ScienceChannel
Michael 'Mad Mike' Hughes tragically passed away
today during an attempt to launch his homemade rocket.
Our thoughts & prayers go out to his family & friends
during this difficult time.It was always his dream
to do this launch & Science Channel was there
to chronicle his journey
"Mad Mike" a-t-il laissé sa vie pour une croyance bancale ? Quelle était sa vraie motivation ? J'ai entendu sur France Inter un chroniqueur se moquer de lui en le traitant de "Stupid Mike". Je ne puis m'empêcher de penser quant à moi que l'essentiel pour lui n'était pas dans la vérification de cette croyance, mais dans la réalisation d'un rêve de dépassement : toujours plus haut, toujours au-delà. Peut-être espérait-il atteindre un jour la ligne de Karman (cette ligne qui définit la limite entre l'atmosphère terrestre et l'espace) mais surtout il voulait sans doute se prouver à lui-même qu'il était toujours en mesure de se dépasser, et inciter les autres à faire de même. C'est ainsi qu'il expliquait dans une interview pourquoi il s'embarquait dans cette aventure :
« C’est simplement pour convaincre les gens qu’ils peuvent faire des choses extraordinaires de leur vie… Peut-être que ça inspirera d’autres que moi. »
La "folie" de Mike Hughes n'est-elle pas de celle des inventeurs, des créateurs, des visionnaires qui croient dans leurs rêves et les réalisent, ou pas, mais vivent de ces rêves et nourrissent l'imaginaire collectif. Avec souvent cette propension au "Soyez fous" qui est leur marque de fabrique.
Dédale et Icare
Je pense ici à Icare. On connaît le mythe antique. Icare est le fils du génial inventeur Dédale qui construisit le célèbre Labyrinthe du Minotaure. Sur ordre de Minos, le roi de Crête, qui a quelque raison de leur en vouloir, Dédale et son fils Icare sont enfermés dans le Labyrinthe. Pour s'échapper, le mythe dit que Dédale inventa des ailes de plumes fixées ensemble grâce à de la cire. Dédale avertit Icare : "Mon fils, ne vole pas trop haut car le soleil ferait fondre la cire, ni trop bas, car les plumes seraient mouillées par la mer." Ainsi ils s'envolèrent pour rejoindre la Grèce. Mais, poursuit le mythe, "Icare, enfreignant les ordres de son père, s'éleva et monta vers le soleil, tout heureux de se sentir porté par ses grandes ailes. Et, lorsque Dédale se retourna, il ne vit plus Icare ; mais dans la mer au-dessous de lui, des plumes flottaient sur les vagues. La chaleur du soleil avait fait fondre la cire, Icare était tombé dans la mer et s'était noyé."
Icare s'est brûlé les ailes à trop vouloir s'approcher du soleil.
Icare n'est pas l'inventeur, c'est le fils de l'inventeur. Peut-être symbolise-t-il quelque chose de l'inventeur qui émane de lui (c'est son fils), une part de lui qui échappe à sa maîtrise, et révèle son vrai désir de monter toujours plus haut, d'aller toujours plus loin dans le dépassement de soi.
"Marche à l'Etoile, même si elle est trop haute"
Alexandra David-Néel
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