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Voyage aux confins de l'Univers (II) Retour vers le passé

 
 
Nous avons vu (billet précédent) que le second principe de la thermodynamique impose, du fait de l’entropie qui ne fait que croître indéfiniment, que l’Univers, considéré comme un système fermé, ait une fin : la « mort thermique ». Ce second principe de la thermodynamique n’a pas été unanimement accepté de suite, il a eu quelques célèbres détracteurs, dont Einstein, au début, mais ce dernier changea d’avis suite aux découvertes astronomiques de Hubble, et il finit par déclarer que le second principe de la thermodynamique était « la première loi de toute science » — loi considérée aujourd'hui comme l’une des plus fermement établies.
 
Arthur Eddington, astrophysicien britannique, l’un des plus importants de la première moitié du XXᵉ siècle, en était bien convaincu : « La loi qui veut que l’entropie augmente toujours occupe, je pense, une position supérieure parmi les lois de la nature. […] Si votre théorie est en contradiction avec le deuxième principe de la thermodynamique, je ne peux vous offrir aucun espoir. »
 
Les équations de la relativité générale conduisent par ailleurs à penser que l’Univers n’est pas stable mais en évolution. Les observations astronomiques les plus récentes ont confirmé que l’Univers est en expansion, et même en expansion accélérée, ce qui donne de la fin de l'Univers, considérée inéluctable, une image vertigineuse… Mais qu’en est-il des débuts ? 
 
 
 
 
Le même second principe de la dynamique, appliqué à l’échelle de l’Univers, si l’on regarde le passé, implique que l’Univers a eu un début. Car si l’Univers existait de toute éternité, il se consumerait depuis l’éternité, et cela est impossible dans un système fermé, selon ce même principe. L’Univers a donc eu nécessairement un début. 
 
Le physicien autrichien Ludwig Eduard Boltzmann a eu l’intuition, dès 1878, que l’entropie de l’Univers devait inéluctablement, à l’origine, avoir une valeur minimale, ce qui implique qu’il y a eu un commencement absolu, et qu’au commencement tout était ordonné. Ce commencement absolu est aujourd’hui prouvé par les découvertes astronomiques de Hubble (dont j’ai parlé dans le premier billet), montrant, d’une part que les galaxies visibles dans notre image de l’Univers ne sont pas immobiles, d’autre part qu’elles s’éloignent toutes les unes des autres, fuyant d’autant plus rapidement qu’elles sont plus distantes — l’Univers est donc en expansion. Si l'on remonte le film, on arrive nécessairement à l’idée d’un début de l’Univers.
 
Cette idée d’un début de l’Univers s’impose donc aussi bien d’un point de vue théorique que du fait des observations astronomiques. Les observations du mouvement des galaxies permettent même de dater l’âge de l’Univers ! Si on mesure, pour chacune, sa distance et la vitesse à laquelle elle s’éloigne de nous, on peut obtenir le temps qu’il lui a fallu pour arriver là où elle se trouve maintenant. Résultat communément admis aujourd’hui : l’Univers aurait 13,7 milliards d’années.
 
L’Univers n’a donc pas toujours existé et il a une histoire. Le début absolu est décrit par les cosmologistes, on le sait, sous forme d’une gigantesque explosion, d’où le nom, communément reçu, de Big Bang. Mais il faut se représenter un Univers en explosion partout. L’imagination peine à se faire une telle représentation. D’autant — et là les choses se compliquent encore — qu’il est impossible de concevoir un avant l’explosion, puisque, la théorie de la relativité générale, dont le champ d’application s’étend à l’Univers, implique que l’espace, le temps et la matière sont liés, en sorte qu’il n’y pas de temps avant le Big Bang ! non plus que d’espace !
 
L’hypothèse du Big Bang a été confirmée dans les années 1960, grâce à la découverte d'un rayonnement fossile cosmologique, qui valide les thèses de Georges Lemaître lequel, après avoir théorisé l’expansion de l’Univers, avait émis en 1931 l’hypothèse d’un commencement de l’Univers qui proviendrait d’un « atome primitif » : « Nous pouvons concevoir, affirmait-il, que l'espace a commencé avec l’atome primitif et que le commencement de l’espace a marqué le commencement du temps. » Tollé dans la communauté scientifique, qui dénigre les recherches de Georges Lemaître (y compris Einstein, qui s’écrie dans la foulée : « Non, pas cela, cela suggère trop la Création ! ») 
 
Et pourtant, comme il a été dit, la découverte du rayonnement fossile cosmique par deux astronomes américains, Arno Penzias et Robert Wilson (ce qui leur valut le prix Nobel de physique en 1978), valide l’hypothèse du Big Bang, aujourd’hui communément acquise. Georges Lemaître avait eu raison trop tôt. Il eut cependant le bonheur d'apprendre, quelques jours avant sa disparition, en 1966, la découverte de ce rayonnement cosmologique qu’il appelait « l’éclat disparu de la formation des mondes ». Il réagit simplement : « Je suis content maintenant, au moins, on en a la preuve. » 
 
Cette théorie du Big Bang a trouvé de nouvelles confirmations en 1992 grâce aux observations des satellites COBE, WMAP et PLANCK qui permirent de dresser la carte de l’Univers au moment de la libération de la première lumière. Georges Fitzgerald Smoot, astrophysicien et cosmologique américain, fut le premier à publier cette image et reçut le prix Nobel en 2006 pour cela.
 
L’événement primordial à l’origine de la formation de notre Univers est daté de 13,7 milliards d’années. Il s’est produit non pas à l’instant zéro (t = 0), mais à un instant très petit, que les physiciens appellent « l’instant de Planck » (la plus petite unité de temps qui ait un sens physique). Là-dessus, les cosmologistes se sont employés à décrire très précisément, à partir de faits physiques, les différentes phases de formation de l’Univers, depuis l’instant initial (l’instant de Planck), jusqu’à la formation des premières étoiles, entre 380 000 ans (premiers atomes et première lumière) et 1 milliard d’années après le Big Bang, puis la constitution du Soleil après 9 milliards d’années, l'apparition enfin du système solaire, de notre Terre et de la vie, au terme d’une histoire de près de 14 milliards d’années...
 
Mais ce qui me fascine le plus, quant à moi, dans ce voyage imaginaire, c’est de penser l’impossibilité qu’il y a à saisir l’instant d'avant l'instant initial : en d’autres termes, impossible de concevoir quoi que ce soit d'avant le Big Bang ! Il n’y pas d’avant le Big Bang, car le temps est créé avec le Big Bang. Il n’y a pas non plus d’espace, car l’espace a émergé en même temps que le temps et la matière avec le Big Bang : pas d’espace, donc pas d’observateur de l’événement primordial, pas non plus de temps qui précède, voilà qui défie l’imagination ! Le temps, l’espace et la matière naissant ensemble, cela veut dire qu’en deçà de l’instant de Planck, le temps, l’espace et la matière n’existaient pas encore...
 
Ainsi parlait Georges Lemaître en 1931, décrivant le premier instant : « Cette origine défie notre imagination et notre raison en leur opposant une barrière qu’elles ne peuvent franchir. […] Cet instant unique n’avait pas d’hier, parce qu’hier il n’y avait pas d’espace. Commencement naturel du monde, origine pour laquelle la pensée ne peut concevoir une préexistence, puisque c’est l’espace même qui commence et que nous ne pouvons rien concevoir sans l’espace. » Vertigineux !
 
Et voilà, retour à la raison, que cette idée d’un commencement absolu de l’Univers n’est pas sans soulever des questions concernant notre conception du monde — cette question aussi, qui ouvre de nouvelles béances :
 
« Et Dieu dans tout ça ? »
 
 
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A suivre


06/07/2022
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