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Des nouvelles (4 et fin)

 

 

 

Il devait bien arriver, après 5 semaines d'hospitalisation, ce dernier billet de nouvelles de la Clinique ! Le Dr Chef de service m’ouvre une perspective : on peut envisager  (sauf événement contraire) ma sortie de Clinique mardi 10 ! Je passerai du confinement de la Clinique (aucune visite autorisée) au confinement à deux à Meylan ! Je serai plus à l'aise aussi, à la maison, pour se garder de la COVID-19, qu'à la Clinique, qui peine à maîtriser la situation. Mais il faut aussi préparer le retour et prévoir un suivi des plaies par un service spécialisé du CHU, les infirmiers à domicile ne suffiront pas. Une organisation à mettre en place.

 

Je me refocalise sur ce qu'écrit René Char. Cette perspective de sortie, et donc de ré-installation à la maison avec les aides appropriées, c'est le but à atteindre ::

 

"Autant que se peut, enseigne à devenir efficace, pour le but à atteindre, mais pas au-delà. Au-delà est fumée. Où il y a fumée il y a changement ».

 

 

 

 ✽

 

 

 

En lisant en relisant La Guerre et la Paix, j’ai été frappé par la justesse du ton avec lequel Tolstoï raconte cette immense histoire où se révèle l’âme dans ses profondeurs face aux épreuves de la vie. Je pense que Tolstoï a beaucoup mis de lui-même dans ce récit, à l’instar de Nietzsche qui reconnaissait : « J’ai toujours mis dans mes écrits toute ma vie et toute ma personne. J’ignore ce que peuvent être des problèmes purement intellectuels ». 
 
On n’est pas dans La Guerre et la Paix devant des problèmes intellectuels. Même toutes les très longues descriptions de batailles, des stratégies qui s’affrontent etc. ne sont pas là pour illustrer ce que pourrait être un nouvel Art de la guerre, mais pour montrer au contraire, ce qui est la conviction intime de Tolstoï, que nul, fut-il le plus brillant stratège, n’est maître des événements, ce sont les événements qui commandent. Aussi la vie consiste-t-elle bien plus à s’adapter qu’à prétendre maîtriser : la vie, inconnue, inconnaissable, ne se laisse pas enfermer.
 
La Guerre et la Paix, lue en profondeur, n’est qu’un cri de protestation, celui de Tolstoï, contre la guerre et les souffrances qu’elle engendre : « Les hommes, écrit-il dans L’Incursion, ne peuvent-ils donc vivre à l’aise, dans ce monde si beau, sous cet incommensurable ciel étoilé ? Comment peuvent-ils, ici, conserver des sentiments de méchanceté, de vengeance, la rage de détruire leurs semblables ? Tout ce qu’il y a de mauvais dans le coeur humain devrait disparaître au contact de la nature, cette expression la plus immédiate du beau et du bien ».
 
Dans La Guerre et la Paix on voit également deux des personnages principaux, le comte Pierre Bezoukhov, et le prince André, s’efforçant d’introduire dans les exploitations agricoles un esprit plus humain. Ce sont là les idées de Tolstoï, qui se fera le défenseur du peuple contre les abus de pouvoir des propriétaires et de l’État. Dans ces deux personnages Tolstoï a mis sa pensée profonde, balançant entre la nature sensible, faible de Pierre, et celle, ardente, de André, tous deux travaillés par l’espoir d’une révolution morale. Tolstoï a toujours eu pour le peuple « une affection étrange, toute physique » (Confessions)Il comprit que la vie du peuple travailleur était la vie elle-même.
 
Cependant d’années en années la situation devint difficile dans son couple, lui, Tolstoï, voulant se rapprocher du mode de vie du peuple, la Comtesse Tolstoï fermant obstinément sa porte aux utopies sociales. Le couple cependant tint, trente ans durant, jusqu’aux dernières années, où Tolstoï s’éloigne chercher la mort dans la solitude. Plusieurs fois, se reprochant de vivre dans le « luxe », Tolstoï envisage de se séparer de sa femme et de ses enfants (13 !), pour mener une vie simple près du peuple.
 
Témoin cette lettre émouvante à sa femme datée du 8 juin 1897 :
 
« Depuis longtemps, chère Sophie, je souffre du désaccord de ma vie avec mes croyances. Je ne puis vous forcer à changer ni votre vie ni vos habitudes. Je n’ai pas pu davantage vous quitter jusqu’à présent, car je pensais que, par mon éloignement, je priverais les enfants, encore très jeunes, de cette petite influence que je pourrais avoir sur eux, et que je vous ferais à tous beaucoup de peine. Mais je ne puis continuer à vivre comme j’ai vécu pendant ces seize dernières années, tantôt luttant contre vous et vous irritant, tantôt succombant moi même aux influences et aux séductions auxquelles je suis habitué et qui m’entourent. J’ai résolu de faire maintenant ce que je voulais faire depuis longtemps : m’en aller… » 
 
Mais cette lettre, Tolstoï ne la remit pas… Il l’enfouit dans un meuble, avec cette inscription : « Transmettre ceci, après ma mort, à ma femme Sophie Andréievna »... 
 
Tout lecteur de La Guerre et la Paix saura retrouver, surtout au travers des personnages de Pierre et d’André, auxquels Tolstoï a prêté beaucoup de ses traits, la trace de ces tourments intérieurs.
 
 
 
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Tolstoï
 
 


05/11/2020
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