Méditation sur le silence
J’ai eu il y a quelque temps cet échange avec mon fils Alexandre sur twitter :
- Alexandre Lebrun@lxbrun I love my job. pic.twitter.com/XEuKTV1RoA
23 mai 2014
- Répondre à @lxbrun
voilacestdit @voilacestdit 23 mai
@lxbrun C'est quoi ce tableau ?
- Alexandre Lebrun @lxbrun 23 mai
@voilacestdit travail en cours sur un algorithme de détection de silence!
Ainsi donc il s’agit d’un algorithme de détection du silence …
L’étrangeté du propos m’a donné à penser.
Le silence, dans mon esprit, c’est l’absence de bruit - du moins du bruit perçu. « Dans le silence et la solitude de la nuit » (Baudelaire) … qu’est-ce qu’on perçoit ? Cela évoque pour moi de vastes espaces de nature non définie, bornés - au-delà on sort du silence : comme il en va, en musique, de l’interruption du son pour une durée déterminée, indiquée par des signes dans la notation musicale : pause, soupir …
Et voilà encore des mots qui portent à rêver… Une pause, c’est de l’ordre de la suspension, de l’interruption momentanée ; en musique : un silence correspondant à la durée d’une ronde. Un soupir évoque une plainte, une expression douloureuse, ainsi dans le sentiment de l’amour : « Tu vis naître ma flamme et mes premiers soupirs » (Racine) ; en musique : un silence correspondant à une noire.
Mais le silence n’est peut-être pas seulement « absence de… ». Il se remplit de sensations qui semblent nous ouvrir à un monde, ou des mondes plus vastes que le nôtre propre.
Le silence côtoie la création, ou plutôt il précède la création car la création naît du silence. Ce silence de la création rejoint le silence du Grand Commencement. Comme disait Lao-Tseu : « Il existe une chose qui contient tout, qui est née avant que le Ciel et la Terre ne fussent. Combien silencieuse ! Combien solitaire ! Elle se tient seule et ne change pas. Elle retourne sans danger à elle-même et elle est la mère de l’univers. Comme j’ignore son nom, je l’appelle la voie (tao) ».
Le silence contient toutes choses. Un proverbe dit : « Le silence est l’âme des choses ». Et lorsqu’on en vient à quitter toutes choses, lorsqu’un mourant rend le dernier soupir c’est pour accéder à un autre monde - de silence ? en continuité ? à quel moment ? L’instant de la mort demeure mystérieux, peut-être n’y a-t-il pas d’instant t, pas de borne précise entre vie et mort - mais une zone frontière ? dont nous n’avons pas de représentation, car nos silences sont toujours bornés. Comme en musique. Ce que disait Miles Davis, le grand compositeur et trompettiste de jazz américain : « La véritable musique est le silence, les notes ne font qu’encadrer ce silence ».
Aujourd’hui, en la fête des pères, nos enfants nous font parfois appareiller pour un ciel lointain...
Comme un navire qui s'éveille
Au vent du matin,
Mon âme rêveuse appareille
Pour un ciel lointain
(Baudelaire)
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