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L'approche de la mort

 

 

La disparition brutale d'un ami me replonge personnellement dans les interrogations que suscite la mort.

Notre société globalement nie la mort ou fait tout pour l'esquiver - il n'est pas jusqu'à certains rites comme les salons funéraires aux États-Unis qui font paraître le mort vivant aux yeux des proches : habillé, fardé, il se tient dans un fauteuil prêt à vous accueillir. Dès lors il n'existe pas - ou peu - dans nos cultures de préparation à la mort ; un aphorisme comme celui-ci : "Celui qui meurt avant de mourir ne meurt pas quand il meurt" [Jon Kebat-Zinn] - fait figure d'OVNI.

 Les cultures anciennes n'avaient pas ces préventions. Beaucoup d'anciens grands récits parlent de l'approche de la mort, généralement dans des termes quasi identiques : il est question de voyage, de passage, de rivière ou de tunnel obscur, de rencontre, de lumière...

Le mythe d'Er, que rapporte Platon dans le Livre X de La République [mythe qui emprunte ses principaux éléments aux traditions orphiques], présente une particularité : le récit qui est fait est celui d'un brave, réputé mort au combat, qui, au moment où son corps, récupéré "dix jours après" sur le champ de bataille va être brûlé, "le douzième jour, ayant été mis sur le bûcher, revint à la vie". Er alors "raconta ce qu'il avait vu là-bas". Le récit est donc présenté comme celui de quelqu'un qui a approché de la mort mais n'est pas mort puisqu'il en est revenu.

Er dit s'être retrouvé hors de son corps physique ["Son âme était sortie de son corps"] et avoir commencé un voyage ["Il s'était mis en route avec beaucoup d'autres"] le menant "dans un endroit merveilleux", une "prairie" où il va rencontrer d'autres âmes qui "semblaient venir d'un long voyage", un "voyage qui dure mille ans". Puis, après sept jours, il repart pour arriver quatre jours plus tard à un endroit "où l'on découvre une lumière qui s'étend d'en haut à travers tout le ciel et la terre, lumière droite comme une colonne et fort semblable à l'arc-en-ciel, mais plus brillante et plus pure"...

Médecin et docteur en philosophie, Raymond Moody a recueilli, dans les années soixante-dix, les témoignages d'une centaine de personnes ayant vécu une "expérience de proximité de la mort" [en anglais "Near-Death Experience" abrégé NDE]. Ces témoignages, rassemblés dans son livre La vie après la vie, sont impressionnants par leur similitude. C'est à chaque fois une expérience singulière qui est rapportée, et pourtant les mêmes mots reviennent pour tenter de parler de l'indicible d'une expérience qui ne peut se référer - ou de loin seulement, par approximation - à ce qui est communément vécu et partagé dans notre condition.

Les témoignages rapportés font état de la sensation d'être emporté très rapidement à travers un long et obscur passage - une sorte de tunnel ; après quoi de se retrouver soudain hors de son corps physique, "flotter" au-dessus et observer la scène qui se déroule en-bas [par exemple les tentatives de réanimation que font les médecins et les infirmières] comme en "spectateur" : cette expérience de "décorporation" s'accompagnant de la sensation d'être nanti d'un autre "corps" - que les témoignages peinent à décrire - évoquant sa nature "spirituelle", un corps dépourvu de sensations physiques, telles que poids, mouvement ou localisation, sans limitations - ce "corps" est néanmoins quelque chose - sans repères temporels [absence de temps] ; autre élément commun figurant dans les témoignages : la rencontre avec une très brillante lumière, d'un rayonnement indescriptible, mais qui n'éblouit pas, qualifiée "être de lumière".

La concordance de ces descriptions avec le mythe d'Er et d'autres archétypes qui sont comme la condensation de l'expérience collective de l'humanité - est remarquable.

Certes, personne n'est jamais réellement revenu de la mort pour en lever le mystère. Mais une des révélations majeures de l'expérience de la proximité de la mort telle qu'elle est rapportée dans les témoignages recueillis est qu'elle bouleverse l'existence de ceux qui l'ont vécue [exemple d'un témoignage : "Depuis lors, je n'ai plus cessé de m'interroger sur ce que j'ai fait de ma vie, sur ce que je vais faire de ma vie"].

L'approche de la mort a été vécue comme un moment de passage - d'un monde à un autre, ou d'un état de conscience à un autre état de conscience - qui suscite la peur d'autant qu'on ne s'est pas préparé à lâcher ce monde qui est le nôtre, à quoi nous nous accrochons.

La mort pourtant est bien présente dans le courant de la vie à travers toutes les manifestations de ce que des traditions spirituelles appellent l'impermanence : ces changements, ces petites morts, sont le lien vivant avec la mort. Chaque occasion de se détacher est le vrai moyen de nous préparer à la mort, de nous conduire, graduellement, à une acceptation émotionnelle de la mort.

Tel peut être le sens de : "Celui qui meurt avant de mourir ne meurt pas quand il meurt".

 

 

 

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28/09/2012
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