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Le wokisme. De l'éveil des consciences à l'obscurantisme

 

Qu’est-ce que le wokisme ? Le mot woke ne vous aurait probablement rien dit il y a 3 ou 4 ans. Il est aujourd’hui partout répandu, désignant sous le terme de "wokisme" une mouvance qui nous vient tout droit des États-Unis et est en passe d’envahir notre espace mental et politique.
 
Woke signifie « éveillé » : mais attention! il ne s’agit pas de l’éveil du Bouddha ! 
Être woke, c’est être éveillé, être vigilant, être attentif aux inégalités et aux discriminations. Le champ d’action du « vigilantisme » est très large.  
À l’origine, il s’agissait surtout des discours raciaux aux États-Unis, notamment dans les universités, puis cela s’est élargi à d’autres causes progressistes comme les droits des peuples autochtones, le féminisme, la lutte contre l’homophobie etc. — à quoi s’est ajouté la défense de l’environnement, et autres combats comme les expulsions des réfugiés, le déni de l’histoire coloniale etc...  
 
Quel est le problème avec le wokisme ?
 
Selon moi, au-delà des thèmes traités, dont certains méritent d’être discutés, c’est précisément qu’il n’y a pas de discussion possible. De l’éveil des consciences — ce qui est heureux — on passe à l’obscurantisme — ce qui est détestable. 
 
Né du souci d’éveiller le monde à la réalité des discriminations, le wokisme est devenu indissociable de ce qu’il faut bien nommer une culture totalitariste : qui n’adhère pas à telle proposition est au mieux un dormant (s’oppose aux éveillés), au pire un complice des situations dénoncées — sa parole doit être empêchée : on appelle cela aussi de la cancel culture. On est à l’opposé de l’idéal des Lumières qui promeut la liberté des consciences.
 
Quelques exemples d’incidents à partir de l'année 2019 — qui correspond à peu près à l’entrisme de la mouvance en France :
 
  • en mars 2019, à la Sorbonne, une représentation des Suppliantes d’Eschyle – dont la mise en scène était signée d'un helléniste réputé – fut annulée puis reportée à la suite de menaces de perturbation par des militants arguant du caractère prétendument « colonialiste, afrophobe et raciste » de cette mise en scène en raison du maquillage des acteurs, assimilé à du black face (maquillage noir d’acteurs blancs). 
  • à l’automne 2019 l’université Bordeaux-Montaigne annulait une conférence de la philosophe Sylviane Agacinski programmée dans un cycle destiné à « promouvoir un usage critique des savoirs qui permettent de penser ensemble notre monde et ses enjeux ». Cinq organisations LGBT, estimant dans un communiqué que la conférencière serait une « homophobe notoire » du fait qu’elle s’oppose à la gestation pour autrui (GPA) ont empêché la tenue de la conférence.
  • en octobre 2019 la présidence de la Sorbonne annula, sous la pression de militants wokistes, la formation sur la prévention de la radicalisation que devait y donner l’essayiste Mohamed Sifaoui, alors même que la Mosquée de Paris s’était associée au projet. Etc.
 
On notera que tous ces incidents ont eu lieu dans des universités : c’est par là que le wokisme est entré en France. Mais depuis, ce sont tous les milieux qui sont concernés par ce type d’actions coercitives, rendant impossible tout débat. Or le wokisme traite de beaucoup de thèmes qui, pour moi, seraient pour certains à discuter —mais cela demande des développements qui, pour partie, excèdent mes compétences.
 
[Juste une observation :  Dans la logique du wokisme il va de soi d'enfermer tous les individus dans des catégories identitaires, réduisant l'identité d'un individu à sa race, son genre ou son orientation sexuelle — ceci va à l'encontre de la reconnaissance de l'individu en tant que libre : une liberté certes, en contrainte, comme disait Sartre, mais définissant l'individu essentiellement.]
 
Reste d’autres thématiques fortement soutenues par le wokisme, comme par exemple : 
 
  • des appels au déboulonnage voire à la destruction de statues. Il s’agit alors d’« effacer », en les supprimant, des outils mémoriels de célébration des grands hommes lorsque ceux-ci sont considérés comme ayant été compromis dans l’esclavagisme, tel Colbert (qui fut à la fois un grand serviteur de l’État et l’instigateur du Code noir). Je ne suis pas pour ma part partisan de l’effacement de la mémoire — tentative au demeurant vaine. Ne suffirait-il pas d’apposer une plaque explicative sous les oeuvres en question rappelant le contexte historique… et faire confiance à l’intelligence des gens pour évaluer l’écart des cultures ?
  • l’écriture inclusive, devenue un marqueur de l’adhésion au wokisme. Outre que les textes en écriture inclusive sont illisibles (essayez de lire plus d’une page en écriture inclusive…), je ne vois pas en quoi triturer l’écriture aide à modifier les rapports sociaux. À ma connaissance, le signe ne reflète pas son référent, le genre grammatical n’est donc pas homologue au sexe... 
  • les sensitivity readers : encore une importation de pratique discutable. De quoi s’agit-il ? Des éditeurs de mouvance wokiste entreprennent de rééditer leurs textes après les avoir soumis à des « relecteurs de sensibilité » qui vont dépister et atténuer ou supprimer des termes qui pourraient être perçus comme dérangeants ou discriminants auprès de certaines communautés, tels que fat (« gros »), white (« blanc », devenu « pâle »), ou mother and father (« père et mère », devenus « parents »), ou tout autre terme qui heurterait les adeptes de la « théorie du genre », aux yeux desquels la différence des sexes étant « socialement construite », n’a aucun fondement biologique etc... Autre exemple : Les Dix petits nègres, le best-seller d’Agatha Christie, a été débaptisé ; il s’appelle désormais Ils étaient dix. Explication de l’éditeur : "Nous ne devons plus utiliser des termes qui risquent de blesser ». Exit donc le terme « nègre » dans le titre et le corps du livre (où il apparaît pas moins de 74 fois)… 
 
Beaucoup des causes défendues par le wokisme contre les inégalités ou les discriminations sont associées au progrès et à la justice. Ces causes méritent amplement d’être débattues. Mais c’est là que le bât blesse, si aucune place n’est laissée à la « dispute », comme on disait au Moyen-Âge ; si ces causes sont érigées en grilles de lecture imposées de force, on n’est plus dans l’ordre de la pensée mais de l'idéologie. Il n'est pas acceptable que ceux qui expriment des opinions contraires soient ostracisés et exclus du débat public. Il n’y a pas de pensée là où il n’y a pas de liberté. 
 
Loin de créer plus de cohésion sociale, plus de tolérance et de justice, le wokisme aboutit à l'exact opposé de ce qui était recherché —c'est-à-dire plus de division, moins de tolérance et moins de justice. De l'éveil des consciences on passe à l'obscurantisme.
 

 



03/06/2023
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