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Rester les obligés de l'inquiétude

 

 
La situation politique actuelle s'apparente à celle que décrivait le poète Henri Michaux (1899-1984) dans ce texte, intitulé précisément  Le secret de la situation politique, qui porte en exergue cette injonction voltairienne « Soyons enfin clairs » :
 
 
Les Ouménés de Bonnada ont pour désagréables voisins les Nippos de Pommédé. Les Nibbonis de Bonnaris s’entendent soit avec les Nippos de Pommédé, soit avec les Rijabons de Carabule pour amorcer une menace contre les Ouménés de Bonnada, après naturellement s’être alliés avec les Bitules de Rotrarque, ou après avoir momentanément, par engagements secrets, neutralisé les Rijobettes de Biliguette qui sont situés sur le flanc des Kolvites de Beulet qui couvrent les pays des Ouménés de Bonnada et la partie nord-ouest du turitaire des Nippos de Pommédé, au-delà des Prochus d’Osteboule.
 
La situation naturellement ne se présente pas toujours d’une façon aussi simple : car les Ouménés de Bonnada sont traversés eux-mêmes par quatre courants, ceux des Dohommédés de Bonnada, des Odobommédés de Bonnada, des Orodommédés de Bonnada et, enfin, des Dovoboddémonédés de Bonnada.
 
 
Soyons enfin clairs, oui, car comment en est-on arrivés là ? se demande-t-on aujourd’hui. Tout est brouillé, personne ne s’y retrouve. Nous voilà à jouer comme dans ce jeu chinois où les règles du jeu s’élaborent en cours de partie, et ne sont connues dans leur totalité qu’à la fin ! De plus, du fait des enjeux, la situation porte en elle-même son lot d’incompréhension, d’anxiété pour ceux qui sont directement concernés, eux ou leurs enfants après eux, et son lot de violences insoutenables, générant dans l’esprit de tous cet état affectif qu’on nomme inquiétude : "état de préoccupation, de trouble ou de tourment qui empêche le repos, la sérénité". 
 
Mais l’inquiétude ne se réduit-elle qu'à cela : un état de "préoccupation" qui "empêche" le "repos" ? Faut-il à tout prix chercher un remède contre l’inquiétude ? S’exercer par exemple à refouler les pensées  qui nous perturbent ? René Char, quant à lui, énonce une autre voie. Il a cette phrase mystérieuse : « Toujours restons les obligés de l’inquiétude » (Dehors la nuit est gouvernée). Vers quels chemins nous suggère-t-il de nous engager ?
 
L’inquiétude, au tout premier sens, littéralement, c’est "l’état de ce, celui ou celle qui bouge, qui est en mouvement". Victor Hugo, dans Les Chansons des rues et des bois, écrit dans ce sens : « Et l’on a l’inquiétude / D’une feuille dans le vent » ; Renard, dans son Journal : « La gracieuse inquiétude de la tête d’un oiseau sur sa branche »... La manifestation première de l’inquiétude, c’est le mouvement. Et peut-être est-ce ce à quoi fait référence René Char : la vie c’est le mouvement, ce qui inquiète, ce qui ne laisse pas tranquille. Un faux remède contre l’inquiétude, c’est de se retirer, se protéger, ne pas vouloir savoir.
 
À l’inverse, l’inquiétude peut être prise comme un aiguillon salvateur, qui tient en alerte, éveillé, in-quiet. La vraie sérénité, je ne la vois pas dans le retrait, mais en assumant ce qui a été mis en mouvement, au titre de questions. Le non-dit, les jeux obscurs, l’exacerbation des violences : qu'est-ce que cela a à voir avec notre vivre-ensemble ? qu’est-ce que cela nous dit de l'état de notre démocratie ? Garder à l’esprit ce buisson de questions... 
 
 
 


18/01/2020
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